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Focus

INTERVIEW : Peter Biffin, luthier

Insolutherie, Hybridation, invention, luthier pro, tahru, vièle

publié le par Marie-Emily Nolens

Interview de Peter Biffin, luthier et concepteur du tarhu. Interview mené par Danielle Rivière via échanges de mails durant le mois de Mai 2013.

Peter Biffin

Interview de Peter Biffin, luthier et concepteur du tarhu. Interview mené par Danielle Rivière via échanges de mails durant le mois de Mai 2013.

Pourquoi le nom de tarhu ?

La naissance du tarhu a pris un certain temps. Au début, il n’était pas réellement clair si cela allait devenir quelque chose de nouveau ou si ce serait seulement une extension d’un autre instrument. Après que le travail de développement initial ait produit le premier prototype, il m’est apparu que cet instrument était bien un nouveau et que je devrais lui trouver un nom.

En choisissant un nom j’ai décidé d’essayer de rendre hommage à deux instruments qui furent très importants pour moi lors de sa création : le tanbur turc et l’erhu chinois. Si un tarhu à long manche était placé à côté d’un tanbur je pense que la plupart des gens pourrait voir le lien. Tous les deux ont un long manche étroit, des frets microtonals et un corps arrondi. Le tarhu est inspiré de la forme du tanbur mais le tanbur a très peu d’influence sur la manière dont le tarhu fonctionne au niveau du son. Si le tarhu était placé à côté d’un erhu, le lien serait plus difficile à trouver, la façon dont l’erhu produit le son a eut beaucoup d’influence sur le tarhu mais il n’en a pas la forme physique.

Quel a été votre cheminement comme luthier et votre découverte des instruments du Moyen-Orient ou d’Orient et spécialement les vièles à pique ?

J’ai commencé à fabriquer des instruments dans le but d’avoir accès à des instruments que je désirais jouer mais qui n’étaient pas disponibles en Australie au début des années 1970. J’avais étudié la guitare classique et la partie de la musique pour guitare qui m’intéressait le plus était des transcriptions de musique pour luth des 16ièmes et 17ièmes siècles. Je désirais jouer cette musique sur les instruments pour laquelle elle avait été écrite et comme  je ne pouvais trouver un instrument qui convienne, j’ai décidé d’en construire un.

Cependant, dès que j’ai eu construit un luth, je n’en ai pratiquement pas joué, j’étais trop occupé à en fabriquer un autre et encore un autre. J’ai alors effectué des recherches et fabriqué de nombreux instruments de la même époque : bandora, orpharion, cittern,  mandora, chittarone, théorbe et beaucoup de formes de guitares primitives.

Au cours de ces recherches, j’ai découvert qu’il y avait aussi différents systèmes d’accordage en usage en Europe à la Renaissance et à la période baroque et après en avoir essayé quelques-uns, j’ai découvert que j’étais très attiré par les sons que ces systèmes produisent. A la même époque je me suis aussi plongé de plus en plus dans l’histoire européenne des instruments et de la musique de la période médiévale. Lorsque l’on effectue des recherches sur la musique et les instruments médiévaux il devient très difficile d’ignorer l’énorme influence du Moyen-Orient, tant sur le développement historique de la musique et des instruments européens que comme source d’inspiration pour les musiciens d’aujourd’hui qui essaient de comprendre comment la musique médiévale peut avoir fonctionné.

Plus je faisais de recherches dans ce domaine et plus je me retrouvais plongé dans la musique et les instruments du Moyen-Orient plutôt que dans la musique médiévale elle-même. A ce stade, les systèmes d’accordages alternatifs sont devenus d’un grand intérêt pour moi et, après avoir découvert le travail du compositeur américain Harry Partch, j’ai créé une série d’instruments conçus selon le système des 43 tons par octave d’Harry Partch. Alors que je trouvais cela fascinant, je trouvais de plus en plus d’affinités avec le système d’accordage utilisé à l’Est et j’ai ainsi commencé à étudier les instruments à cordes de l’Est et leurs systèmes d’accordage. J’ai poursuivi cela principalement à travers l’étude de la musique classique du Nord de l’Inde et la musique classique turque, toutes deux jouées sur une forme adaptée du tanbur turc. C’est ce qui m’a conduit à l’élaboration du tarhu à long manche et de là à d’autres formes de vièles à pique auxquelles les concepts acoustiques du tarhu peuvent être appliqués. Il y a actuellement, à ma connaissance, très peu de formes de vièles à pique qui peuvent être adaptées pour utiliser le système acoustique du tarhu.

Comment travaillez-vous avec les musiciens pour construire leurs instruments ? Ils semblent être construits, chaque fois, pour une personne particulière.

A ce stade, tous les tarhus sont faits sur commande, je n’en ai aucun en stock prêt à vendre. Cependant, cela ne signifie pas que chaque instrument est différent ou est conçu avec de nouvelles caractéristiques spécialement pour chaque musicien. Il y a eu d’importants points nodaux dans l’histoire du tarhu où j’ai travaillé en étroite collaboration avec quelques musiciens remarquables afin d’amener à la vie une nouvelle forme de tarhu. C’est le processus qui a conduit au développement du kamancha tarhu (avec Habil Aliyev), du shahkaman (avec Kayhan Kalhor) et du nak tarhu (avec Ross Daly). A travers ce travail de collaboration, des modèles furent créés et devinrent alors disponibles pour d’autres musiciens.  Il arrive fréquemment qu’un musicien puisse demander quelques variations dans la conception comme plus ou moins de cordes, un manche légèrement plus long ou plus court etc. Occasionnellement on me demande de travailler avec quelqu’un pour développer une nouvelle forme de tarhu. Au début j’étais très enthousiaste au sujet de telles demandes, c’était pour moi  une source de fascination de voir comment ces conceptions principales pouvaient être appliquées. Cependant développer de nouveaux instruments demande d’énormes ressources en termes de temps, d’énergie et d’argent ainsi je passe maintenant moins de temps à faire ce genre de travail et plus de temps à améliorer je que j’ai déjà conçu.

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