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Focus

D'autres sons pour une saison, un carnet de voyages sonores (3/3)

publié le par Françoise Vandenwouwer

Ils parlent, ils racontent, ils captent le son des mots comme celui du vent, des océans ou celui de nos pas, ils entendent les couleurs des sons, ils composent des paysages, recomposent des environnements et nous révèlent les sonorités subtiles et […]

Sommaire

Focus créations radiophoniques soutenues par le FACR et l’ACSR

Créations sonores et émissions de radio sont les moyens d’expression de ces créateurs qui ont fait du son et de la radio leur passion. En Fédération Wallonie-Bruxelles, ces créateurs sont soutenus par le Fonds d’aide à la création radiophonique (FACR) et accompagnés par son atelier de création sonore et radiophonique.

Voyage en Chine de Shangaï au Yunnan jusqu’aux frontières du Tibet, retour en Europe à Stromboli, l’une des îles Eoliennes puis voyage en stop de Bruxelles au nord de la Norvège vers l’Ile Traena

Deux Mondes

Réalisé par Thierry Van Roy

En 2012, Thierry Van Roy voyage en Chine en compagnie de Shang Lie Zhou, qui fit le même voyage dans les années 80 en tant qu’artiste et pour des recherches anthropologiques. Durant les vingt années qui séparent les deux voyages, la Chine a connu une évolution fulgurante qui touche surtout les grandes villes et laisse les provinces reculées bien éloignées du nouveau capitalisme.

Shangaï

Le voyage commence à Shangaï, mégapole, vitrine du commerce de luxe international et de toutes les grandes marques, la ville où l’on fait de l’argent, où l’on spécule, où l’on consomme, où l’on dépense, où le commerce est au cœur de la vie… Mais comme toutes les villes du monde, elle recèle encore des lieux insolites et la vie peut y ralentir, trouver des passages entre la nuit et le jour, entre le présent et le passé. Néanmoins Shangaï, ses commerces  et ses gratte-ciel regardent vers l’avenir loin, très loin du communisme pur et dur de la révolution prolétarienne.

Départ de Shangaï pour la région du Yunnan, dans le sud-ouest de la Chine. Là vivent les Yi, peuple d’une des 26 minorités ethniques de la province, troisième en terme de population. Arrivée à Ninlang, ville très peuplée où les habitants des villages des montagnes viennent s’approvisionner. De Ninlang, nos voyageurs partent vers les villages les plus reculés où vivent ces ethnies oubliées du reste de la Chine. Cent-vingt branches de l’ethnie Yi sont dispersées dans les montagnes. Dans un de ces villages, la rencontre avec  les habitants est chaleureuse, les villageois se montrent heureux de voir des visiteurs étrangers, de pouvoir  leur parler de leur vie, de leur village, de leurs traditions et de leur  histoire marquée par leur passé d’esclaves libérés par le communisme. La musique, les chants ponctuent le documentaire. Les Yi chantent a cappella, ils n’ont pas d’instruments, ceux-ci sont trop chers. Il n’y a pas d’argent au village.

Dans la montagne la pauvreté marque les jours  mais on mesure bien, à l’écoute des voix, des rires et des propos, la qualité de l’accueil et tout le bonheur de cette rencontre.

Yunnan

La deuxième partie du documentaire nous emmène dans le nord du Yunnan, chez les Moso, la plus petite des minorités chinoises qui comptent quelques trente-mille âmes qui vivent autour du lac Lugu. Le lac, qu’une légende nomme aussi le lac de la Mère, est situé  à 2700 mètres d’altitude. La région fut longtemps et depuis toujours fermée aux étrangers mais le développement du tourisme en Chine a changé bien des choses, une route rapide mène maintenant à  la région du lac.

Lac Lugu

Les Moso sont connus pour représenter la dernière société matriarcale et matrilinéaire où les noms et les terres sont transmis par les femmes qui gèrent les questions matérielles et l’organisation de la vie du groupe familial. Il n’y a pas de mariage chez les Moso, l’amour se vit la nuit, librement, selon la coutume du « mariage ambulant » ou « de passage ». La notion de père n’existe pas, les enfants sont éduqués par les frères et les sœurs  de la mère, les Moso vivent avec  leur famille maternelle.

Moso

Si  les traditions qui réglaient ces mariages nocturnes se perdent, ces nuits d’amour libre ont nourrit bien des fantasmes et des malentendus dans le reste de la Chine ce qui a engendré dans la région du lac Lugu une prostitution pour touristes dégradante.

Nos voyageurs quittent le lac Lugu pour partir vers le comté de Zhongdian, région qui faisait anciennement partie du Tibet et peuplée en majorité par des tibétains. C’est une région de hautes montagnes, de fréquents éboulements provoqués par les pluies rendent les routes dangereuses.

La cité de Zhongdian a été renommée « Shangri-La » en 2001. C’est le nom de la cité utopique  imaginée par l’écrivain américain James Hilton dans son roman Lost Horizon. (à ne pas confondre avec Lost Word de Sir Arthur Conan Doyle !)

Ici je quitte un instant le documentaire de Thierry Van Roy, ne résistant pas à l’envie de partager avec vous quelques recherches  à propos du livre de James Hilton et une critique perso du film de Frank Capra. N’ayant pas lu le roman (que je me promets de lire prochainement) je vous livre les notes de l’éditeur (Editions Terrde de brume):

"Shangri-La ! Cité mythique pour des millions de lecteurs depuis la parution, en 1933, d'Horizon perdu, elle est devenue synonyme de paradis et d'éternelle jeunesse. Shangri-La, inspiré par la tradition boudhiste de Shambhala, est une lamaserie nichée dans une vallée inconnue des montagnes tibétaines. Trois hommes et une femme vont s'y retrouver contre leur gré. Recueilis à Shangri-La après un étrange accident d'avion, ils apprendront que la vallée est quasiment coupée du monde extérieur et qu'il leur faudra attendre peut-être plusieurs mois avant de pouvoir regagner "la civilisation". Mais sont-ils vraiment arrivés à Shangri-La par hasard? La vallée recèle des mystères qui pourraient bien convaincre certains d'entre eux d'y rester leur vie entière... Livre culte, constamment réédité depuis sa publication et popularisé par le film mythique qu'en tira Frank Capra en 1937, avec Ronan Colman dans le rôle principal, ce roman d'aventure empreint de mysticisme est aussi un texte prophétique, annonciateur de la Seconde Guerre mondiale."

Shangri-La

Image du film de Frank Capra

Dans ces années d’avant-guerre, d’avant l’implosion du monde occidental, Frank Capra adapte en 1937 le roman de James Hilton et réalise un conte spirituel et humaniste qui prône le pacifisme, la bienveillance, l’épanouissement dans l’acceptation d’une vie simple, dénuée de toute convoitise de biens matériels. Shangri-La est une cité utopique, secrète, perdue dans les montagnes tibétaines. Ses habitants, des moines et quelques villageois, vivent dans l’harmonie. Les rescapés occidentaux d’un vol qui devait les mener à Shangaï et dont l’avion s’est écrasé dans les montagnes, sont recueillis par les moines et se trouvent contraints de rester vivre là en attendant une improbable caravane qui les ramènerait vers l’occident. Chaque personnage  va peu à peu se dégager de ses peurs et de ses réticences et trouver son bonheur dans la vie à Shangri-La. Un seul d’entre eux résiste furieusement et conduit le personnage principal en lequel le lama (un prêtre belge arrivé là en 1788 !!! Oui, oui, on est dans un conte, il faut y croire !)  plaçait l'espoir de sa succession, à douter de la sincérité des moines. Et l’aventure continue….

Il faut voir ce film. Si le bâtiment du monastère est un peu « Hollywood au Tibet », si les moines et les villageois isolés du monde parlent anglais !, si une trop certaine naïveté altère par moment le récit, le propos pacifiste et humaniste de Frank Capra reste à méditer dans  notre monde contemporain. Rien n’a changé dans les comportements humains. Les scènes de montagne, de lutte dans les tempêtes de neige sont impressionnantes et l’on s’attache à la destinée de Robert Conway, le héros de cette aventure singulière.

Lost horizon

Le film a été présenté à Cannes en 2014, dans la dernière version restaurée à la section « Cannes Classics ».

http://www.parkcircus.fr/nouveautes/914_horizons_perdus_la_nouvelle_restauration

Si la cité de Zhongdian a été renommée Shangri-La, c’est dans le but d’attirer les touristes, nous dit Thierry Van Roy et dans la région, en réalité, les conditions de vie sont difficiles à cause de l’altitude (4000 mètres) et du froid.

Les routes vers le Tibet deviennent dangereuses pour les non tibétains et des amendes sont désormais imposées aux hôtels de Lhassa qui accueilleraient des étrangers ne faisant pas partie d’un groupe enregistré.

Rencontre avec une famille dans un village à côté de la petite ville de Benzilan. Quelques animaux, un peu de terre à cultiver et l’envie de danser et de chanter pour les visiteurs. On parle des anciennes traditions, celles des mariages, plusieurs hommes pour une seule femme ou le contraire, plusieurs femmes pour un seul homme, ce qui assure une bonne structure à la famille. Quant aux cérémonies funéraires, la plus courante est celle de l’enterrement dans le fleuve, « c’est bon pour le fleuve, ça nourrit les poissons. » Le fleuve c’est le Yang-Tsé. Visite du Potala de Shangri-La qui domine la petite ville et on traîne un peu dans la boutique du temple et autour des moulins à prières.

Benzilan

Départ vers le terme du voyage, à la frontière de la région autonome du Tibet, au temple volant ou Temple Feilai, situé en face de la montagne Meili, un sommet sacré pour les tibétains, des paysages extraordinaires. Retour vers l’autre monde, à Shangaï, « le temple de la croissance éternelle ».

Temple volant

Thierry Van Roy est musicien, réalisateur de documentaires sonores, sound designer...

 

Stromboli, un volcan sur la mer

Réalisé par Irvic D’Olivier

« Autrefois, Stromboli, c’était un paradis… »  Nous sommes installés quelque part sur l’île, face à la mer sans doute.  On aperçoit peut-être  les autres îles, Salina, Filicudi, Alicudi, et les côtes de l’Italie et de la Sicile. Assis aux côtés des insulaires, nous les écoutons parler, raconter leurs histoires, celle de leur île, celle de leur volcan. Une interprète intervient pour traduire une partie de ce qui se dit. Mais il faut écouter la langue. L’un d’entre eux est venu pour la pêche et n’a plus quitté l’île, il ne sait toujours pas pourquoi il est resté. Ils aiment leur volcan, il est fantastique parce qu’il est en activité explosive continue. Quand le volcan se met à trembler, j’entends la porte qui grince à la maison, alors ça veut dire que le temps est bon.

Stromboli

Entamons l’ascension avec un guide qui veille à notre sécurité et dit même chercher à comprendre ce que nous ressentons. La peur, c’est ce que nous ressentirons là-haut, confrontés au spectacle des explosions. Ce n’est pas une peur insensée, c’est la peur de l’inconnu mais elle incite à continuer l’ascension. Un volcan demande du respect. Visite au centre opérationnel avancé de la protection civile nationale.  Une vulcanologue nous parle des performances stromboliennes mais les îliens se montrent sceptiques quant au contrôle des activités du volcan, leur volcan reste imprévisible. En avril 2003 s’est produite une énorme explosion, l’île a fait un bon.  Il faut qu’il nous rappelle qu’il est un volcan !

Nous voici face au cratère. Le guide est heureux, là.  Le volcan donne de l’énergie, dans tous les sens, parfois même cette énergie est trop forte. Le volcan redonne des dimensions à tout. Il te montre d’où le doute surgit. Et la terrible voix du volcan vient s’accorder aux paroles du guide.

erruption stromboli

Si le volcan a rendu l’île célèbre, elle doit aussi une petite partie de cette renommée au film de  Roberto Rossellini  " Stromboli terre de Dieu"  (1949). Ingrid Bergman y incarne une femme contrainte pour s’échapper d’un camp où elle est internée, d’épouser un jeune pêcheur de Stromboli. Elle ne peut s’adapter à la vie rude des habitants de l’île et ceux-ci ne la comprennent pas. Stromboli devient pour elle un autre internement, une confrontation permanente entre elle et l’hostilité du milieu et des autres. Confrontation dramatique, violente et douloureuse qui l’atteint sans cesse au plus profond d’elle-même et la pousse à fuire en affrontant ce volcan qui domine l’île et ses habitants. Rossellini filme la réalité, l’île, la vie des  pêcheurs, le volcan et cerne le conflit intérieur douloureux auquel la jeune-femme est confrontée du fait d’un environnement auquel elle ne peut s’adapter et de l’incompréhension des autres qui l’enferment dans une solitude insupportable.

Rossellini Stromboli

Ingrid Bergman dans la scène finale du film

Irvic D'Olivier est preneur de son, réalisateur et producteur pour la radio. Membre actif de l'ACSR de 2001 à 2011. Il est le fondateur et coordinateur artistique de SilenceRadio.org depuis 2005. Il a réalisé de nombreux documentaires et créations radiophoniques.

 

Chroniques de la E6

Réalisé par Olivier Grinnaert

Enfin j’y suis sur la route.

C’est l’histoire d’un voyageur qui part de Bruxelles jusqu’en Norvège, au-delà du cercle polaire pour assister au festival de Traena.

C’est un festival folk sur une île, Traena au nord de la Norvège. C’est au-delà du cercle polaire à une période où le soleil ne se couche plus.

Je veux vivre le présent, être surpris, être seul, être émerveillé, heureux ou désespéré, à bout de force. Je veux sentir les kilomètres, cette distance. Quand je serai arrivé au bout d’une telle aventure, alors j’aurai des choses à raconter…

E6

La route E6, nord de la Norvège

C’est un carnet de route, un journal de voyage, intime parfois, quand le voyage se fait plus intérieur. Maintenant je suis loin, assez loin… Le présent réveille le passé, par bribes et  chaque rencontre provoque des résonances.  Est-ce que je veux vraiment écrire ? Si je dois faire 3000km en stop pour avoir quelque chose à dire, ça doit plutôt être mauvais signe !

Arrivé au cercle polaire, une immense plaine rocailleuse où il fait très froid…  Je ne sais plus pourquoi je suis parti… Et puis enfin sur le bateau qui mène à l’île. Le paysage est magnifique…

Traena port

Arrivée sur l’île

Traena festival

Au festival, des milliers de personnes silencieuses au bord de cette grotte.

Je ferme la parenthèse, la route a accompli son travail.

Olivier Grinnaert est réalisateur de films documentaires et de fictions.

Cette création sonore s’écoute sur le site de l’ACSR 

http://www.acsr.be/production/chroniques-de-la-e6/