Pour son quatrième album depuis ses débuts solo en 2002, le Belforto-Parisien Bertrand Louis envoie valser l'image pop, poétique et policée que lui donnait (peut-être) sa signature chez Polydor, label du géant Universal. L'univers musical est désormais celui de la chanson rock-électro tendue... Côté textes, il convient cependant de ne pas perdre de vue le sous-titre de cet album : « l'histoire d'un meurtrier ». Damned ! se souvient le critique aux oreilles aiguisées par des milliers de disques (même des noirs, c'est dire), ça me rappelle quelque chose ! Et, miracle, dès l'écoute du (très bon) premier titre de Bertrand Louis-2010, « Les Yeux Secs », l'effet rythmique tango et les premières paroles (« Allez, vas-y, fais-moi mal... ») font ressurgir un fantôme bienveillant. Celui du quatrième album de Jean Guidoni, en 1982, Crime Passionnel : musiques d'Astor Piazzola et thématique sur la folie criminelle (remember if possible les sublimes « Qui crie ? » et « Lames »)... On ne sait si Bertrand Louis, quand il était petit, a été traumatisé par des parents irresponsables qui auraient mis Crime Passionnel entre ses oreilles juvéniles. Peut-être était-ce simplement Gainsbourg, après tout... Mais l'Esprit du Mal, parfois, se réincarne... Et, dans Le Centre Commercial, il le fait avec un talent certain. En tout premier lieu avec « Scène de Crime », le meilleur titre de l'album, vénéneux et ultra-violent (« Je ne jouis que si tu meurs »), sur une innocente ballade à la guitare sèche - et moite. « La Putain Publicitaire », le second titre, frappe fort lui aussi : rythmique bétonnée, brève voix féminine et texte choc sur la pub incarnée en femme fatale quelque peu vénale. Un candidat aux singles si l'on n'a pas peur des textes puissants... Autre titre candidat, grâce à sa mélodie prenante et à sa rythmique tendue : « Le Centre Commercial », qui, côté paroles, retourne aux textes torturés (« J'ai sorti un fusil/ Dans le centre commercial/ C'est comme au ralenti »). On peut aussi apprécier « 20h00 », dans lequel le regard noir s'attaque, de façon moins inattendue, à la télé morbide et aux paroles candides de Patrick Le Lay, alors PDG de TF1, en 2004, sur la vente du « temps de cerveau disponible »...(Jean-Claude Demari sur www.rocknfrance.com)