Cette oeuvre cinématographique, inspirée de "La Divine Comédie" de Dante, oscille entre le documentaire et l'art vidéo, l'âpreté du réel et l'allégorie, le rêve et la réalité.

Optant pour une caméra 4K professionnelle qui lui permet d'obtenir des images les plus larges possibles avec autant de détails et de clarté possibles, Zhao Liang parcourt le vaste plateau de la Mongolie-Intérieure d'Est en Ouest. Sous ses yeux se déploient les signes des bouleversements produits par une économie moderne agressive. Les vertes prairies sont progressivement recouvertes par la poussière d'une industrie minière en expansion. Les bergers mongols et leurs familles n'ont d'autre choix que de s'éloigner au fur et à mesure que les pâturages régressent. Jour et nuit, les mineurs extraient le charbon des montagnes de roches. Dans les usines sidérurgiques voisines, les hommes brûlent dans la chaleur torride, tels les condamnés de l'enfer. Dans une sorte de purgatoire, les travailleurs tombés malades attendent la mort à l'hôpital. Le véritable paradis a été détruit au profit d'un mirage urbain, les nouveaux immeubles vides de la ville fantôme d'Ordos.

Témoignage accablant sur le désastre écologique et humain qui frappe une région de la Chine, ce film est aussi une création artistique d'une grande force dans laquelle le travail visuel de Zhao Liang rejoint celui d'un peintre ou d'un photographe plasticien. Zhao Liang opte pour une forme cinématographique dans laquelle les images possèdent une dimension onirique, avec des intermèdes poétiques - prisme triangulaire devant l'objectif qui brise les perspectives des étendues désertiques mais surtout une puissance tellurique impressionnante, avec des paysages méconnaissables, gigantesques et vides, et une descente dans les entrailles de la terre.

"Béhémoth" s'achève sur un constat de désespoir : en 30 ans, l'extraction du charbon a réduit de 20% la superficie des lacs de la Mongolie-Intérieure et a causé d'inestimables dégâts aux sols ; des millions de travailleurs migrants souffrent de pneumoconiose ; des centaines de milliers en sont déjà morts.

Un livret bilingue (français / anglais) de 12 pages accompagne cette édition : commentaires du réalisateurZhao Liang, petite bio-filmographie et fiche technique du film.