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"L'homme qui voulait classer le monde", un film de Françoise Levie

"L'homme qui voulait classer le monde", un film de Françoise Levie

Utopies

publié le par Françoise Vandenwouwer

Mundaneum, Palais Mondial, Cité Mondiale… Un ancien bâtiment industriel aux vitres brisées. A l’intérieur, les archives abandonnées d’un monde utopique, notre monde, s’il avait été à la hauteur du rêve de Paul Otlet.

Un monde où la connaissance aurait supplanté toutes les valeurs et mené à la paix entre les peuples. Rêve qui faillit se réaliser en partie, rêve qui fut détruit par deux guerres et  auquel cependant Paul Otlet consacra toute sa vie.

l'homme qui voulait

En 2000, Françoise Levie décide de réaliser un film sur la vie et le projet de cet homme extraordinaire. A partir d’une centaine de caisses contenant des documents personnels non inventoriés, elle va suivre les traces, assembler les fragments et reconstituer la biographie d’un personnage qu’on dirait sorti de l’imaginaire de Borges.

Gros plan sur des caisses éventrées, de vieux documents recouverts de poussière… photographies, cahiers d’écriture, souvenirs personnels, papiers déchirés, croquis ésotériques, plans d’architecture, correspondance, carnets, journaux intimes, lettres d’amour, fiches, catalogues, amoncellement de documents… Paul Otlet comme narrateur nous raconte sa propre histoire. « J’écris beaucoup, j’écris facilement, j’écris pour rendre claire ma pensée… » De caisse en caisse se reconstitue une vie toute entière consacrée à la classification et au partage des connaissances, à l’élaboration d’un livre unique de la connaissance universelle. Les documents révèlent aussi les pensées, méditations, doutes, espoirs et désespoirs de ce personnage si épris d’humanisme.

Visionnaire, progressiste et doté d’une volonté de fer, Otlet mène son projet avec une force de conviction qui séduit certaines des  plus hautes personnalités de son temps. Le roi Albert lui accorde une aile du Cinquantenaire qui devient le Palais Mondial. Otlet crée l’Institut international de bibliographie, il met au point la classification décimale universelle en vigueur encore actuellement dans les bibliothèques du monde entier, il invente le microfilm afin de reproduire photographiquement les pages des livres à archiver. Avec ses collaborateurs, il constitue un répertoire gigantesque, contenant douze millions de fiches.  Il crée la Société des Nations, dont il élabore l’édification durant la guerre 14-18 dans un but de pacification du monde par l’abolissement de toute forme de conflit entre les groupes humains. En 1934, il écrit un traité de documentation dans lequel il imagine déjà l’organisation de notre réseau virtuel d’aujourd’hui.

Son idéal croise un jour celui d’un autre visionnaire humaniste qui a conçu le projet et les plans d’une ville, la Cité Idéale…  Et Le Corbusier adhère au projet. Mais la réalité du monde diffère de ce qu’il pourrait être.  14-18, « le cataclysme », cette guerre  lui prend un fils, détruit la ville de Westende qu’il avait érigée sur le domaine familial avec le concours d’un architecte renommé et  empêche l’édification de la Cité Idéale… En 1928, Le Corbusier termine les plans du Mondaneum « C’est peut-être bien un manifeste d’architecture moderne… ». Otlet et le génial architecte français travaillent au projet de la Cité Mondiale. Ils iront de déception en déception, projet accepté puis rejeté par différents pays. Crise économique, premiers saluts fascistes, le Palais Mondial est fermé de force et la Société des Nations s’avère incapable d’éviter la seconde guerre mondiale.

Paul Otlet possédé par son œuvre, son Mundaneum, tente encore de le proposer à différents gouvernements. « Œuvrer et ne pas douter. Seul même devant l’immensité indifférente et hostile, jouer la dernière chance, la probabilité ultime qu’offrirait le hasard des choses, œuvrer et ne pas douter. » Otlet meurt le 10 décembre 1944. De déménagement en déménagement, le Mundaneum disparait peu à peu jusqu’à ce qu’en 1996, la ville de Mons sauve ce qu’il reste des collections.  Si  l’idée visionnaire d’Otlet a pris forme et s’est ancrée dans notre quotidien, si la connaissance universelle est partagée par le réseau d’internet, gigantesque livre virtuel dont l’expansion s’étend à l’infini…  guerres et  conflits continuent inexorablement à dévaster le monde. Qu’en serait-il si la Cité Mondiale avait été construite… quelque part ?

 

Françoise Vandenwouwer