Coup de projecteur sur le Lumsou
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La monnaie complémentaire, c’est quoi ?
Complémentaire, sociale, alternative, locale, citoyenne, éthique, les adjectifs qui accompagnent le substantif féminin abondent et désignent (parfois maladroitement) chacun le même concept : une monnaie qui ne dépend pas d'un gouvernement national et de sa banque centrale, qui est échangée uniquement dans une zone géographique limitée et qui fonctionne en parallèle de la monnaie nationale. Si de nombreuses personnes commencent tout doucement à être familiarisées avec l’idée, la monnaie citoyenne reste pour beaucoup discrète, tantôt mystérieuse.
En 1981, on recensait seulement deux monnaies locales dans le monde. Actuellement, elles seraient plusieurs milliers à avoir envahi l’économie mondiale et la Belgique ne fait pas exception puisque, chaque année, y apparaissent plusieurs monnaies en parallèle de l’Euro. Le Valeureux à Liège, le Ropi à Mons, le Toreke à Gand, le Talent à Ottignies, le Volti à Rochefort, le Lumsou à Namur etc. Le phénomène tend indiscutablement à se répandre !
Comment sont émis et gérés ces nouveaux moyens de paiement ? Ce sont en fait des collectifs de citoyens attachés à des valeurs solidaires et durables qui sont à l’origine de la circulation de ces diverses monnaies. Et puis, nul besoin d’être économiste pour comprendre leur fonctionnement, le taux de change de ces monnaies reste fixe ! Un euro est égal à un Lumsou, un Volti, un Ropi (et ainsi de suite). Dès lors, si vous aimez prendre des risques, les monnaies citoyennes vous paraîtront assez ennuyeuses puisqu’on ne peut ni les cumuler ni spéculer sur celles-ci. Pour les petits joueurs en revanche, c’est l’investissement rêvé ! Ces monnaies situées hors du système mondial représentent une garantie, en particulier face à climat économique de moins en moins stable. Certains spécialistes préconisent d’ailleurs de les cultiver comme il y a de la biodiversité dans une forêt, en passant d’une « monoculture monétaire à un écosystème monétaire ».
Les monnaies locales, pourquoi ?
Parler en termes de « monnaies vertueuses » éclaircit quelque peu cette question. Leurs vertus sont multiples, elles favorisent les circuits courts, la production locale, placent au centre de leurs préoccupations l’éthique de la gestion et la solidarité. Autrement dit, les monnaies complémentaires sont des moyens d’échange alternatifs qui, plutôt que de favoriser les objectifs de rentabilité et de performance (comme les monnaies nationales et supranationales), placent l’humain au cœur de leurs projets.
Concrètement, comment cela se passe ? On a tendance à penser que ce qui crée de la richesse dans une communauté, c’est la quantité de monnaie disponible. En fait, il en va tout autrement ! C’est la vitesse à laquelle cette monnaie tourne et se transmet qui est importante, de même que le questionnement de chacun sur les produits qu’il consomme. Réinterroger la consommation devient ainsi l’une des visées des monnaies locales : « J’ai de l’argent, que vais-je en faire et comment vais-je le faire ? ». Vous l’aurez compris, l’intérêt se situe moins dans l’économique proprement dit que dans le bien-être des citoyens. On parle à juste titre, d’économie sociale et solidaire puisque, comme l’explique Bernard Lietaer (économiste belge), ces monnaies éthiques sont porteuses d’humanité et de sens, deux vertus que les monnaies conventionnelles n’incarnent plus à l’heure actuelle.
Chaque monnaie complémentaire peut viser des objectifs très variés. C’est ce qu’on appelle « l’architecture monétaire » du projet qui répond à diverses questions. Que souhaite-elle mettre en avant? Que tente-elle de récupérer, de protéger ou de changer? Quels sont les besoins au sein de la région ou de la communauté dans laquelle elle sera développée ? En somme, quelle sera la finalité de cette monnaie locale ?
Le Lumsou
Lumer en wallon signifie « éclairer » et la finalité du projet se trouve précisément dans cette appellation tout comme dans le slogan qui l’accompagne. Le Lumsou entend éclairer les échanges que les namurois effectuent dans leur région. L’idée est de retenir et de faire circuler le Lumsou dans la capitale wallonne en évitant la fuite des capitaux. Tout cela est rendu possible notamment par le développement des circuits courts.
Mettre la lumière sur les échanges passe aussi par un choix, celui de consommer responsable. L’asbl « Le Lumsou » sélectionne à cet effet des partenaires attachés à l’environnement et au développement solidaire et qui soutiennent l’emploi non délocalisable et facilitent la lecture de la traçabilité des biens et services achetés.
Adhérer au Lumsou (ou à toute autre monnaie locale) équivaut à devenir « consomm’acteur » en participant activement à l’économie de sa région. C’est aussi consommer en toute lucidité. Pour vous procurer des Lumsous, il suffit de vous rendre dans l’un des comptoirs de change répartis sur le territoire de la Province de Namur.
Ne reste plus qu’à ajouter une petite précision. Si la monnaie complémentaire représente un beau geste citoyen, elle comporte tout de même quelques inconvénients. Selon Bernard Lietar, l’enjeu se situe dans la diffusion des valeurs soutenues par l’économie locale et solidaire qui mobilisent souvent des citoyens bien (trop) spécifiques, qui ont déjà des réflexes de consommation solidaire. Une monnaie régionale aurait, selon lui, plus d’intérêt qu’une monnaie locale puisqu’elle permettrait une meilleure diffusion et un meilleur accompagnement par le monde institutionnel.
Si le chemin à parcourir est encore long, à la lumière de ces diverses monnaies, on entrevoit déjà l’économie de demain, tout comme l’espoir d’une société plus philanthrope…
Alicia Hernandez-Dispaux
Site web : lumsou.be
une vidéo pour approfondir le sujet :
Cet article fait partie du dossier Namur.
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