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Pomme d'Or, tomate, solanacée, légume-fruit et la Verte de Huy

tomate verte de Huy
« Sauvegardons notre patrimoine ! » Tel est le mot d'ordre lancé par Jean-Michel Rouffiange, jardinier passionné sur son site Infos-tomates.
La chair de la verte de Huy est très parfumée, juteuse et fondante, bien mûre elle devient sucrée. — Jean-Michel Rouffiange

   

- PointCulture : Sur le site infos-tomates.com, vous vous définissez comme « tomatophile ». Pouvez-vous être un peu plus précis sur votre parcours et sur la place que la tomate occupe dans votre activité professionnelle ?

- Jean-Michel Rouffiange : Tout a démarré il y a une trentaine d’années. Responsable de production au sein du groupe Rossel, le jardinage était pour moi une façon d’évacuer le stress. Un voisin âgé m’avait offert quelques tomates qu’il cultivait dans son jardin. J’avais été sidéré par leur goût et je lui en fis part. L’année suivante, il m’a offert deux petits plants… L’aventure commençait !

- Dans votre jardin, trouve-t-on des légumes / fruits autres que la tomate ?

- Oui, bien sûr, les classiques plantes aromatiques, courgettes, potirons, etc. Mais les plants de tomates (en serre, pleine terre et les variétés en pots) occupent plus de 80 % de mes cultures

- Votre engouement pour la pomme d’or vous a-t-il amené à renouveler votre regard sur l’industrie alimentaire et sur votre propre consommation ?

- L’industrie alimentaire nous a conditionné à consommer des tomates « calibrées », « insipides », presque « exclusivement rouges », et dont la conservation est « anormalement longue ». Et cette offre de tomates hybrides perdure les douze mois de l’année. Heureusement, petit à petit, une frange de consommateurs prend conscience de ce « marché de dupes » et recherche la saveur. De jeunes maraîchers se lancent courageusement dans la culture de variétés « anciennes ». Depuis plusieurs années je soutiens leur démarche et les aide au niveau de leur recherche de semences. Pour faire connaître au public les multiples variétés « non-hybrides », j’organise chaque année avec quelques amis, une fête de la tomate, où sont exposées près d’un millier.

Chaque année, notre jardin produit entre 60 et 75 kg de tomates « anciennes ». Ce qui nous permet de les déguster en salades, en tranches, en apéritif ou amuse-bouche, en coulis, sauces et potages.

- Le site rassemble une très impressionnante somme d’informations autour de la tomate. Travaillez-vous en équipe ou en êtes-vous le seul auteur ?

- Hé oui, c’est ma passion ! Je gère entièrement le site Internet… rédaction d’articles, prises de vues photos, mise en page…

- L’échange des semences est une pratique qui semble devoir beaucoup aux nouvelles technologies de communication. À côté de cela, Internet facilite aussi la recherche d’informations et de conseils. Le site Infos-tomates est-il né de la nécessité pour un collectionneur de formaliser toutes ces pratiques ?

- En effet, Internet facilite le processus d’acquisition de semences, d’informations sur la culture et de conseils pour contrer les maladies de manière naturelle. Ces échanges m’ont permis d’ailleurs d’accumuler des graines de plus de 3.000 variétés de tomates non-hybrides, que je conserve dans un congélateur. Les informations qu’on recueille sur le net sont souvent partielles et parfois infondées ! D’où la création, d’abord d’un blog puis du site infos-tomates. Les fiches de caractérisation et les articles publiés résultent de mes observations lors de mes cultures et de mes essais. Informations qui sont « recoupées » tant sur le net, que dans les livres et publications sur les tomates.

- Existe-t-il une communauté mondiale virtuelle de la tomate ?

- Oui, il existe une « association internationale de « tomatophilie », mais ses objectifs louables se heurtent à la législation européenne. Législation « contrôlée » par les lobbies mondiaux de la semence.

- Vous défendez la production de variétés anciennes et une agriculture biologique. Il y a aujourd’hui pas mal de mouvements d’inspiration écologiste qui se positionnent en faveur d’une agriculture plus respectueuse de l’environnement tout en œuvrant pour une revalorisation du végétal dans l’alimentation. A quel endroit de ces revendications vous situez-vous ? Dans quel type d’engagement vous reconnaissez-vous ?

- Pour moi, le terme « bio » est galvaudé, et n’est plus du tout représentatif d’une culture naturelle et sans pesticide. Mes cultures sont cultivées avec mon propre compost donc avec des fertilisants naturels. Les maladies et parasites sont traités avec des plantes et des extraits fermentés (purins).

- J’en viens aux tomates… Et d’abord, puisqu’on va parler de la verte de Huy, le terroir joue-t-il un rôle important dans l’identité d’une variété – ou s’agit-il uniquement d’une affaire de semences ?

L’incidence du terroir, n’est pas flagrante, mais elle existe. Un exemple concret, les variétés russes et de l’Europe de l’Est sont très souvent des tomates hâtives qui sont matures en juillet et août (le climat continental se caractérise par un printemps et un automne très court). Donc les variétés de l’Est se sont adaptées génétiquement aux spécificités de leur climat.                                                                                     

Pour la Belgique, il faut inclure la notion de terroir dans une zone plus large s’étendant aussi sur le Nord de la France (cf le projet Biodomestica avec le CTH et le CRA-W de Gembloux ainsi que le CRRG de Villeneuve-d’Ascq). Lors d’une réunion récente, il est aussi envisagé d’étendre cette zone jusqu’aux rives du Rhin.

- Cette variété semble assez rare, pour quelle raison ?

- En effet, pas de trace dans les anciennes publications. On peut raisonnablement penser que la « Verte de Huy » est une variété locale du milieu du siècle dernier.

De même que la « Charnue de Huy », la « Rouge de Namur », etc. À l’époque, il était d’usage de « baptiser » une variété de tomate ou un légume du nom de la localité où se situait la ferme qui cultivait cette variété.

- Avez-vous eu l’occasion de la cultiver, d’en découvrir la saveur ?

- Il y a une vingtaine d’années, une personne habitant la Hesbaye (Huy-Waremme-Amay) m’a confié quelques graines de « Verte de Huy ». Au niveau saveur, la chair est très parfumée, juteuse et fondante, elle devient sucrée, bien mûre.

Depuis, elle revient régulièrement dans mes plans de culture. Cette année encore elle sera présentée lors de l’exposition de la Fête de la tomate, le 2 septembre à Gembloux.

- Existe-t-il pour la tomate un protocole de dégustation comme il en existe pour le vin, le fromage, le chocolat ou l’huile de qualité ?

Oui, est d’abord évalué le goût: salé, sucré, acidité et équilibre sucré/salé. Ensuite la texture : peau persistante, « farinosité », texture fondante, texture croquante, « jutosité » et fermeté.

Des concours de dégustation de la « meilleure » tomate ont été pratiqué en 2012 et 2013 lors des premières fêtes de tomates que j’ai organisées à Auvelais. Une formule simplifiée du type « dégustation découverte » a connu un beau succès en 2017 lors de la fête de la tomate de Gembloux. Les tomates vertes y étaient à l’honneur. Cette formule sera reconduite en 2018.

- Et vous, parmi les milliers de façons d’accommoder ce fruit (chaud, froid, sucré, salé) avez-vous une recette préférée ?

- Tranches de tomates au four (huile d’olive, des tranches de tomates, chapelure, un peu de romarin, une gousse d’ail haché, sel et poivre).

- Les connaisseurs savent que la tomate est un fruit saisonnier qu’il ne faut surtout pas réfrigérer. Pourtant c’est ce que font la majorité des supermarchés voire certaines épiceries d’alimentation biologique : mettre les tomates au frigo ! On a aussi l’impression qu’avec le retour des variétés anciennes, tendance que certains dénoncent comme un phénomène de mode, on voit apparaître ici et là des tomates de toutes les couleurs et de toutes les tailles qui, pour un prix beaucoup plus élevé que la bête tomate rouge notoirement insipide, n’ont toujours aucun goût. À moins qu’on ne tombe sur des tomates-bonbons qui ciblent les enfants et dont le taux scandaleusement élevé de sucre masque l’absence de tout autre arôme. Comment cela s’explique-t-il ? Faut-il y voir une forme de récupération de l’industrie capable à sa guise de modifier certains paramètres toujours au détriment de l’essentiel – la qualité ?

La première variété que l’industrie a détournée, c’est la « Cœur de bœuf », ensuite la « Noire de Crimée », et maintenant c’est l’« Ananas ». C'est principalement ces trois variétés qu’on rencontre dans les hypermarchés et même sur les étals de certains maraîchers, dont le nom a été usurpé. Il s’agit en fait de variétés hybrides, récentes, totalement créées par le marketing agroalimentaire (en Suisse et en Bretagne) pour soi-disant répondre aux goûts des consommateurs, curieux de découvrir les tomates anciennes. Elles n’ont donc d’anciennes que le nom. On peut néanmoins détecter ces « contrefaçons » par le fait qu’elles ont toutes le même calibre dans leur cageot, alors que les véritables « variétés anciennes » sont difformes et non-calibrées.


Propos recueillis par Catherine De Poortere



L'empire de l'or rouge Jean-Baptiste Malet



Pour prolonger cette interview, difficile de ne pas mentionner le livre L’Empire de l’or rouge de Jean-Baptiste Malet. Une enquête éclairante sur les ravages humains et écologiques de l'agriculture mondialisée...




Liens et informations utiles :

Infos-tomates.com


Dimanche 2 septembre 2018

7ème Fête de la tomate

événement convivial et festif ayant pour but de faire découvrir plusieurs centaines de variétés de tomates, proposées par des collectionneurs passionnés et par le Centre technique horticole de Gembloux, dans le cadre exceptionnel du CTH.

Centre technique horticole. 
4, Chemin de Sibérie
5030 Gembloux



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