Trautonium [Friedrich Trautwein]
Développé en Allemagne, le trautonium est un peu le pendant des Ondes Martenot en France. Un des premiers instruments électroniques, ouvrant une voie royale aux synthétiseurs de la deuxième moitié du XXème siècle.
Le trautonium se présente comme un petit meuble aux allures de piano droit, mais dont le clavier est remplacé par une barre servant de résistance électrique, surmontée d’un fil métallique. Pour créer un son, l’instrumentiste presse le doigt sur le fil (ou une touche intermédiaire, sorte de clavier suspendu) et le met en contact avec la barre. La technique de jeu s’apparente à celle des instruments à cordes de la famille des violons. Elle permet le vibrato, les glissandi, les micro-intervalles comme les quarts de ton et les variations de volume sonore en modulant la pression du doigt exercée sur le fil. S’ajoute à ce jeu de base toute une panoplie de boutons et interrupteurs placés sur la face verticale du meuble, qui permettront d’agir sur les effets de résonnances du son, le type d’attaque, le volume sonore ainsi que les filtres et générateurs permettant d’ajuster les timbres. La grande complexité de ces réglages et la difficulté de leur transcription sur une partition ont nuit au succès du trautonium, qui fut supplanté par les ondes Martenot, moins sophistiquées.
Conçu en 1929 par le professeur en acoustique musicale Friedrich Trautwein, l’instrument vit le jour dans le bureau expérimental radiophonique de Berlin (Rundfunckversuchstelle), institution chargée d’étudier les relations entre la musique et les techniques radiophoniques.
Le compositeur Paul Hindemith, fort intéressé par le développement de ce type de recherches, présenta le pianiste Oskar Sala au Professeur, qui le prit immédiatement comme collaborateur. A la requête d’Hindemith, Trautwein et Sala construisirent trois instruments, destinés à la création de la première partie de ses « Sieben Triostücke für drei Trautonien ». Hindemith composera aussi un concerto pour trautonium et cordes (1931) et deux pièces intitulées « Langsames Stück und Rondo » (1935).
Si ces œuvres ne sont pas particulièrement novatrices sur le plan de la syntaxe musicale, elles font toutefois la démonstration des potentialités techniques de la machine, capable de reproduire un catalogue impressionnant de timbres de synthèse.
A ce titre, le trautonium sera considéré comme l’ancêtre direct du synthétiseur, et plus encore après les importantes innovations qu’y apportera encore Oskar Sala dans les années 50, essentiellement par l’adjonction d’un second clavier, d’un générateur de bruit et surtout d’oscillateurs subharmoniques. Ces derniers permettent d’enrichir le son par l’ajout d’harmoniques plus graves que la note fondamentale (synthèse soustractive). Le Mixtur-trautonium était né, et Oskar Sala en sera le principal interprète et défenseur. Outre les œuvres d’Oskar Sala lui-même, le Mixtur-Trautonium fut utilisé pour créer la bande son du film d’Alfred Hitchcock en 1962, « The Birds » (les Oiseaux), en rendant de manière assez réaliste cris d’oiseaux et battements d’ailes, avec ce zeste d’étrangeté destiné à augmenter la terreur des spectateurs.
Nathalie Ronvaux