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Pointculture_cms | portrait

URBNexpo | Portrait de Katherine Longly

Katherine Longly

Katherine Longly (1980 - )

PointCulture Bruxelles, PointCulture Louvain-La-Neuve, URBN, URBNexpo

publié le par Catherine De Poortere

La ville m'intéresse car elle est un formidable terrain de jeu. On la perçoit trop souvent seulement comme un espace à traverser pour se rendre d'un point à un autre, et c'est dommage. J'adore notamment déambuler et traquer les signes et interventions laissés par d'autres. J'aime aussi choisir au hasard (parfois même à l'aide d'une fléchette !) une rue ou un quartier sur une carte, puis aller m'y promener. L'espace public est aussi le lieu privilégié de la rencontre, notamment avec ses voisins.

Née en 1980,
A étudié la photographie à l’école de photo d’Agnès Varda, la communication à l’IHECS et l’anthropologie à l’ULB,
Vit et travaille à Bruxelles où elle pratique la photographie et fait des interventions artistiques.

katherine-longly.net


En pleine rue, on fait des rencontres insolites. Les photographies montrent un vieux matelas à moitié déchiqueté, un frigo bon pour la casse, un micro-onde d’une vingtaine d’années, un divan bizarrement disposé à la verticale, un dossier de chaise, un autre frigo, boiteux celui-là, ou encore un morceau d’étagère. Tous décorés d’un minuscule palmier réalisé au pochoir (dont la couleur peut varier), ces objets racontent la même histoire, celle d’un abandon. Les dépôts sauvages n’en disent pas davantage. Katherine Longly, qui vit à Saint-Gilles, a documenté la situation dans sa commune, ce qui ne veut pas dire que la scène ne se répète pas ailleurs. On pourrait croire que cette apparente négligence cache une forme de générosité : ce qui ne m’est plus utile peut encore l’être pour quelqu’un d’autre. Mais le triste spectacle qu’offrent un frigo bancal ou la mousse d’un matelas en décomposition plaident pour une hypothèse plus réaliste. Qui voudrait d’un tel rebut ? Alors, plutôt que de ravaler son amertume, l’artiste a entrepris d’y apposer l’empreinte d’un palmier, l’exotisme même ! Arbre qui renvoie, par la puissance de sa symbolique, aux vacances, au soleil, et plus généralement au bien-être, le palmier se voit investi du pouvoir de requalifier le déchet en support d’intervention artistique. Rapatriés au cœur d’un projet citoyen, frigos, divans, matelas et étagères sont sauvés d’une fin absurde en tant que preuve de l’incivilité de certains. Cette seconde vie, tout imaginaire qu’elle soit, prend valeur d’exemple en tant qu’elle replace le tissu urbain à hauteur d’action, mise à la disposition de chacun, dans une visée constructive. [CDP]

URBNexpo | Katherine Longly expose au PointCulture Louvain-la-Neuve du 10 février au 30 mars 2018 et au PointCulture Bruxelles du 8 février au 17 avril 2018.


- PointCulture : Un lieu urbain qui vous inspire particulièrement? 

Mon quartier… J’habite à Saint-Gilles, non loin de la gare du midi. C’est un territoire que je connais bien car je l’arpente chaque jour, à pied ou en vélo. Il est tout proche de quartiers trendy, mais pas suffisamment pour attirer toute l’attention des pouvoirs publics, notamment en matière d’aménagements et de propreté (mais des efforts ont été faits récemment). 

C’est là que j’ai trouvé l’inspiration de mon projet Palm Club.

- Une autre œuvre sur la ville, par un autre artiste que vous-même, éventuellement d’une autre discipline, importante à vos yeux?

Je prends la liberté d'en citer deux :

  • The 7 Lives of Garbage, de Francis Alÿs. Il est dit qu'à Mexico, la ville où l'artiste a élu domicile, les déchets sont fouillés et triés sept fois avant d'arriver à la décharge. Une nuit de 1994, il a placé sept petites sculptures de bronze de couleurs différentes, toutes représentant un escargot, dans sept sacs poubelles, qu'il a placés dans sept districts différent de la ville. Depuis, il arpente les marchés aux puces de la ville, espérant que ces objets refassent surface. Un an plus tard, il en avait retrouvé deux.
    Cette œuvre, comme tant d'autres du même artiste, rend hommage à l'énergie et la créativité déployée par ceux qui doivent avoir recours à l'économie informelle pour survivre.
  • La trilogie new-yorkaise de Paul Auster. On se situe ici dans le domaine de la littérature. La ville décrite par l'auteur devient presque un personnage à part entière. Les héros de Paul Auster y déambulent et s'y perdent, dans tous les sens du terme. J'aime particulièrement ce passage où le détective suit un personnage sans pouvoir au premier abord déceler de logique à ses déplacements ; il finit par comprendre qu'en marchant, il dessine des lettres sur le plan de la ville.
    La déambulation et l'errance peuvent se révéler jubilatoires ! J'essaie de les pratiquer autant que je peux, notamment lors de résidences artistiques (car il faut pouvoir se rendre disponible à cent pour cent pour que les rencontres improbables et les heureux accidents puissent se produire...).

- Une initiative citoyenne urbaine qui vous semble questionner la ville de manière pertinente?

 La vague de comités de quartiers qui se sont récemment créés dans différentes communes bruxelloises, notamment avec l'aide des réseaux sociaux. Les habitants ont trouvé une manière de se réapproprier leur quartier, via des actions simples mais répondant à des besoins directs. C'est également une manière de se rencontrer, entre personnes partageant un même territoire. Et je pense que c'est par là qu'il faut commencer afin de bâtir une ville où chacun puisse trouver sa place.

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