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Pointculture_cms | critique

ABC AFRICA

publié le

Sollicités par une association humanitaire, le FIDA (Fonds international de développement agricole), Abbas Kiarostami et son assistant, Seifollah Samadian, arrivent à Kampala, capitale de l'Ouganda, au mois d'avril 2000. Pendant une dizaine de jours, […]

Sollicités par une association humanitaire, le FIDA (Fonds international de développement agricole), Abbas Kiarostami et son assistant, Seifollah Samadian, arrivent à Kampala, capitale de l'Ouganda, au mois d'avril 2000. Pendant une dizaine de jours, ils découvrent de nombreux enfants, tous orphelins à cause du Sida.
La particularité du film tient en plusieurs choses : tout d’abord, à une mise en abyme constante : Kiarostami et Samadian filment simultanément les différents endroits qu’ils sont amenés à visiter. Ce procédé du filmeur filmé n’est pas sans rappeler, bien que l’esthétique diffère radicalement, L’homme à la caméra, de Vertov (TD4063). Entre-temps, il y a près d’un siècle de culture audiovisuelle, une utopie renversée. Alors que Vertov prônait un cinéma vérité parce que lui seul pouvait, à l’aube du XXe siècle, rendre compte justement de l’état du monde (soviétique), Kiarostami semble partir d’un constat inverse, d’une impossibilité. Il semblerait que plus aucun territoire sur la planète n’ait été souillé par les images, à tel point que celles-ci ne peuvent se suffire. Cette Afrique post-coloniale porte, plus qu’aucun autre endroit au monde, les séquelles de ce surplus. Images trop nombreuses, qui, dans leur accumulation, perdent leur sens. Ce que je vois et montre ne suffit plus à être accrédité de réel: il me faut, à présent, accréditer le regard en l’accompagnant du geste qui quête la trace.
Pour y parvenir, il faut tout quitter, revenir à un dépouillement originel. La découverte de la caméra DV porte l’étendard de ce changement. Légère, maniable, elle offre au cinéaste une liberté déstabilisante. Le panorama d’une Afrique se double d’une (re)découverte du médium. Seul, sans équipe technique, le cinéaste va jusqu’à remettre en cause le montage. Ainsi, de longs plans séquences jalonnent le film. S'ils semblent anodins ou naïfs, ces derniers inscrivent une temporalité qui tend, dans la production cinématographique d’aujourd’hui, à disparaître: elle questionne plus qu’elle n’énonce.
Ainsi, ces innombrables plans d’enfants souriants, d’une joie de vivre en tout temps débordante, remettent en question non seulement l’image de l’Afrique sinistrée et famélique véhiculée par les médias mais aussi le pouvoir du cinéma, pris ici à contre-courant. Pas le temps de s'apitoyer sur ces orphelins. Suite à la vision de ce film, nulle condescendante facile ou malsaine ne nous vient à l’esprit concernant ces pauvres victimes. Mais un constat, cinglant et tourné vers le futur. [retour]
Maxime Coton

À noter, l exposition Víctor Erice / Abbas Kiarostami, « Correspondances », au centre Pompidou, à Paris, jusqu’au 07 janvier 2008.

 

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