ESQUIVE (L')
Unanimement salué lors de la récente cérémonie
des Césars (meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario
original, rien que ça !), L'Esquive est à cent
lieues de nous proposer un autre film gonflé d'a priori sur la banlieue.
La cité n'est ici que le théâtre d'amours
adolescentes, filmées sensuellement mais sans fioritures, sans artifices.
La caméra arrive à saisir avec grâce et justesse l'immédiateté
du moment, donnant au film une valeur quasi documentaire. Abdellatif Kechiche
ne se veut pas juge, mais simple observateur. Pas de dramatisation, de clichés
sans cesse retapés sur la vie des jeunes défavorisés, mais
simplement la mise en avant des sentiments dépouillés, clairs
comme une eau de roche. En recentrant son propos sur les personnages, sur leurs
relations au quotidien, il permet à l'histoire de gagner en profondeur
et en sincérité tout en esquivant habilement le sempiternel discours
sur l'inégalité sociale. La force du scénario tient en
partie à l'idée géniale de faire vivre des textes de Marivaux
dans la bouche de ces banlieusards, d'arriver à trouver des points de
convergence entre les relations amoureuses d'alors et celles d'aujourd'hui :
marivaudage moderne, assaisonné façon cité…
Saluons enfin la performance de ces jeunes acteurs amateurs à qui il
aura fallu deux mois de préparation pour apprendre leur texte alors que
de son côté Sara Forestier (seule actrice professionnelle) aura
fait l'effort inverse, à savoir apprendre le « langage de
banlieue ».
Un film réussi à tous les niveaux, un joyau urbain dont on aurait
tort de se priver.
( Michaël Avenia, Liège )
Pour prolonger L'esquive :
« Wesh Wesh, qu'est-ce qui se passe » - Rabah Ameur-Zaïmeche (2001) –
« Jeunesse dorée » - Zaïda Ghorab-Volta (2001) –
« Petits frères » - Jacques Doillon (1999) –
(Michaël Avénia, Liège)