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Pointculture_cms | critique

AFROSOUND OF COLOMBIA VOL. 1 (THE)

publié le

Bordée à la fois par la mer des Caraïbes et par deux océans : le Pacifique et l’Atlantique, la Colombie est devenue, dès sa colonisation par les Espagnols, une plaque tournante du commerce des esclaves. Ainsi au Nord, on trouvait sur les marchés de la […]

 

 

 

 

Bordée à la fois par la mer des Caraïbes et par deux océans : le Pacifique et l’Atlantique, la Colombie est devenue, dès sa colonisation par les Espagnols, une plaque tournante du commerce des esclaves. Ainsi au Nord, on trouvait sur les marchés de la ville de Carthagène plus de soixante ethnies africaines, Bantous, Mandingues, Kongos, Achantis, Yorubas, etc. Le pays sera secoué par de nombreuses révoltes d’esclaves, certaines couronnées de succès, et verra se créer sur la côte pacifique plus d’une centaine de palenque – sorte de camps fortifiés abritant un mélange d’esclaves libérés et de cimarrones (esclaves fugitifs, appelé nègres marrons), où les traditions africaines étaient préservées.

C’est dans ces villes que se développeront les musiques les plus métissées de Colombie, puisant dans les musiques africaines, mais aussi dans la cumbia, le bullerengue, le son de negro, la chalupa, et qui formeront la base de la musique afro-colombienne. Dans les années 1920 aura lieu une importante émigration vers les villes du Nord. La musique des palenque suivra les gens et se répandra ainsi dans tout le pays. C’est bien plus tard, dans les années 1970, qu’apparaîtra un nouvel acteur capital dans la diffusion de cette musique: les premiers sound systems locaux : les picos.

Ceux-ci exploiteront dans un premier temps la connexion  avec Cuba, Haïti, et le reste des Caraïbes. Mais l’un d’eux - « El conde » - va se spécialiser dans la musique africaine, et se fournira une matière première exceptionnelle grâce à la complicité d’un ami pilote de ligne. Grâce à lui, des styles africains comme le highlife du Nigéria, oules soukous du Congo ou de Côte d’Ivoire vont devenir immensément populaires en Colombie, déclenchant un intérêt pour toutes les musiques d’Afrique. Comme chez son équivalent jamaïcain, la concurrence entre les sound systems va pousser les djs à obtenir des pièces rares, véritables armes secrètes de chaque pico, et leurs propriétaires vont ainsi devenir de grands collectionneurs et de véritables spécialistes de la musique populaire africaine des années 1970 et 1980. Beaucoup d’entre eux vont voyager à travers toute l’Afrique pour dénicher ces raretés, qui deviendront des exclusivités de leur pico. Pour éviter d’être espionnés et copiés, leurs disques seront masqués, maquillés, et les morceaux rebaptisés. Ainsi bon nombre de morceaux africains ne seront plus connus en Colombie que par leur nom local.

Dans les années 1980 de nombreux labels publieront sous licence des disques africains, et feront enregistrer à des groupes locaux des covers de ces disques, créant de toutes pièces le style «psychédélique afro-colombien». Ils produiront également des disques de ce qu’on appellera la champeta, mélange de musiques locales avec les styles africains, remplaçant les cuivres traditionnels de la cumbia par les guitares aigrelettes de l’Afrique de l’Ouest. Bien avant l’intérêt actuel des labels européens et américains pour l’afrobeat et le psychédélisme africain, la Colombie était le premier pays hors d’Afrique qui possédait une scène vivace consacrée à ces musiques, des labels qui publiaient et distribuaient des disques venus d’Afrique, et qui produisaient les artistes colombiens qui l’interprétaient à leur tour.

Le style s’est arrêté dans les années 1990, mais de nouvelles formes de champeta criolla continuent de voir le jour, incorporant de nouveaux rythmes africains, comme le mbaqanga sud-africain ou des riddims et des productions à la jamaïcaine.

Le premier volume de la compilation The Afrosound from Columbia, du label Vampi Soul, présente lui des morceaux extraits des archives du label Discos Fuentes, de Medellin, qui a suivi cette vague de champeta, mais dans un style plus urbain, plus poli, plus produit. Il montre une autre version encore de cette musique hybride, toujours tournée vers ses sources africaines, mais avec une production à la fois plus psychédélique et plus funk. Le label avait aussi un large catalogue dédié aux autres musiques colombiennes, à la cumbia, au porro, au paisete, à la salsa, bien souvent avec une production qui lorgnait du coté de Puerto Rico ou des Etats-Unis, et qui n’hésitait pas à ajouter à certains morceaux des effets « tropicaux » ou « exotiques » du plus grand kitsch.

 

Benoit Deuxant

 

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