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Pointculture_cms | critique

BLEU PETROLE

publié le

Sélection du mois d'avril 2008 Claire Diterzi jette des ponts entr e les arts son ores et visuels Voilà plus de 20 ans que Claire Touzi dit Terzi suit un parcours atypique et sans concession dans les sphères trop étriquées et cloisonnées du rock et de […]

Le nouveau Bashung a été salué par la presse entière et caracole dans l’Ultratop. Il sera bientôt disponible dans nos centres de prêt (aux environs du 13 mai) : une excellente méthode pour le découvrir en profondeur si vous n’êtes pas fan inconditionnel…

En attendant, 5 médiathécaires l’ont écouté et vous livrent leurs premières impressions…

 

"Une parenthèse agréable..."

Il est loin le temps de L’imprudence où Bashung avait remué les zones d’ombre de son for intérieur pour en sortir un chef-d’œuvre qui restera un ovni inégalé dans le paysage francophone. Sans doute a-t-il eu peur de la redite. Pour Bleu Pétrole, il a eu l’intelligence de changer de registre, se remettant dans les mains de Gaëtan Roussel (Louise Attaque), Gérard Manset, Armand Méliès, et Joseph d’Anvers. Le chanteur ne participe à l’écriture que sur trois titres. Il s’agit donc d’un album d’interprète. La production, les arrangements, et surtout sa voix donnent du coffre à des chansons qui se veulent plus légères, plus directes. On sent que Gaëtan Roussel s’est donné à fond essayant d’épouser un maximum le phrasé et les tournures du maître. Seulement, le paradoxe est là. N’est pas Bashung qui veut ! Car l’émotion des premières écoutes retombe vite. Deux morceaux sortent malgré tout du lot, renouant avec une certaine noirceur qui va si bien à notre homme : « Vénus » et « Je tuerai la pianiste ». Pour compléter les neuf nouveaux titres, Bashung reprend « Suzanne » de Cohen et « Il voyage en solitaire » de Manset sans en donner une interprétation transcendante. Une parenthèse agréable – sans plus – dans une discographie qui a pris, ces dernières années, les allures d’une œuvre capitale.
Guillaume Duthoit

 

"Bleu Pétrole, c'est comme retrouver un ami sorti de dépression..."

J’ai retrouvé Alain Bashung comme on retrouve un vieil ami perdu de vue depuis longtemps. Après Fantaisie Militaire que j’ai usé jusqu'à la corde (façon de parler), j’étais passée à autre chose, malgré ma sympathie évidente pour le bonhomme. De temps en temps, j’entendais parler de lui par le biais de son entourage – Rodolphe Burger, Olivier Cadiot, Chloé Mons – mais sans plus.
Et puis, ce matin, je le retrouve au petit déjeuner avec Bleu Pétrole et cette impression de l’avoir quitté la veille. D’entrée, il me nargue gentiment à coups de "Je t’ai manqué", et je ne peux que lui donner raison : c’est le vieux pote qu’on est heureux de revoir. Pendant cinquante minutes, je l’écoute, tantôt enthousiaste, tantôt sceptique, et curieuse d’entendre la suite.
Toujours aussi nonchalant, Alain Bashung promène son timbre détaché d’un titre à l’autre, qu’il soit plutôt folk (Comme un Lego), vaguement électronique (la reprise en français du Suzanne de Leonard Cohen), un peu plus rentre-dedans (Je tuerai la pianiste) ou à tendance cabaret (Vénus). Certes, ce n’est toujours pas la grande joie de vivre, mais c’est nettement plus sautillant que L’Imprudence, l’album qui m’avait détourné de lui. Trop noir, trop triste, bref : pas pour moi.
Bleu Pétrole, c’est comme retrouver un ami sorti de dépression : on ne comprend pas tout (par exemple sa reprise de Il voyage en solitaire – avec ses rimes en "aire" – de Gérard Manset), mais on est bien content pour lui !
Catherine Thieron

 

Bashung – une certaine conception de l’équilibre ?

Après L’Imprudence et les profondeurs harassantes, un Bleu Pétrole défini en termes de clarté, de légèreté ? Peut-être... Qu’il le veuille ou non, quelle que soit la chanson, Bashung ne peut se départir de lui-même. Avant la mélodie ou son absence, on entend sa voix, ses inflexions basses redondantes, sa texture viscérale : la chanson prise dans ce corps ne le quitte pas. Entre les poèmes lugubres de l’un et les mélodies évidentes de l’autre, une interprétation dont la densité fait illusion. (Catherine De Poortere)

 

"Un précipité de ma vie sentimentale sous influence Bashung !"

Premier contact, face aux enceintes, livret en mains, volume poussé. Première impression : boule d’émotion ronde, imprévue, joyeuse amplitude. Ce n’est pas une nouvelle facette de Bashung que je découvre, mais en un flot, tout un coup, tous les « moments Bashung » d’une vie déjà longue ! Des flirts avec « Ça cache quekchose », des départ en vacances avec « C’est l’arrivée du tour », des quêtes transies au son de « Gaby ! Oh Gaby », des beuveries solitaires avec « Martine boude », des doutes en sifflotant « Elle passe la douane avec Eddy, je prends soin du canari », des exubérances avec les enfants sur « Bombez le torse bombez »… Mon histoire avec « Bleu pétrole » débute ainsi, en humant un concentré de Bashung qui me fait revoir toute une série de scènes affectives illustrées par ses chansons. Un précipité de ma vie sentimentale sous influence Bashung ! Vous savez, ces fameuses secondes pendant lesquelles on revit tout son passé. Un peu de ce parfum-là m’enivre aux premières notes, premières syllabes. Sans doute que Gaetan Roussel s’est investi à fond dans le challenge qui consiste à écrire pour un « monstre ». Il s’est appliqué, peut-être inconsciemment, à illustrer toutes les « figures imposées ». Il fait du Bashung. Sans sombrer dans le caricatural. Il y a de petites choses qui enchantent vite la tête, fantaisies taraudantes, brillantes et obscures, maniérées. De courtes formules géniales et branleuses qui peuvent soudain révéler une ombre philosophique cynique, renvoyant dos à dos les énergies libidinales, les responsabilités affectives : « Je t’ai manqué ? / Pourquoi tu me visais ? », « Un jour je te parlerai moins/ Peut-être le jour où tu ne me parleras plus ». Des charges bien sombres, saignantes, avec de minces lueurs au fond des ténèbres, « Je tuerai la pianiste/ Afin que l’on sache/ Que quelque chose existe ». Bashung parcourt son ciel ténébreux en y allumant ses étoiles charnelles préférées, « Plus haut que les nues…/ Elle est née des caprices ». 

L’audace est aussi dans « Bleu pétrole » avec le long texte de Manset, « Comme un lego ». Malgré une certaine emphase, c’est une belle performance, le texte emboîte ses versets puissants au son d’un prêche très folk, tendu. Peut-être n’a-t-il jamais chanté tourné autant vers l’avenir de la planète ? « Les capitales sont toutes les mêmes devenues/ Aux facettes d’un même miroir/ Vêtues d’acier, vêtues de noir/ Comme un lego mais sans mémoire.» Les reprises de « Suzanne » et de « Il voyage en solitaire » trouvent leur place naturellement dans l’ensemble, elles complètent l’atmosphère. « Suzanne » pour dire plus explicitement, avec les mots d’un autre looser inspiré, une beauté de l’amour, folle et perdue, qui brille au sombre firmament bashungien. « Le voyage en solitaire » pour terminer en disant la magie de la chanson : « Et voilà le miracle en somme/ C’est lorsque sa chanson est bonne/ Car c’est pour la joie qu’elle lui donne/ Qu’il chante la terre ». Mélancolie lumineuse, déclamée presque sèchement, qui soulève la fin du CD, avec une envie irrépressible de ne pas rester seul, de partager, de s’enlacer et tanguer (même si pour les anciens, rien ne peut remplacer la version originale !).

Beaucoup, dont Libération, ont insisté sur le fait que ce serait un album plus politique, sous prétexte que certains vers feraient référence à la vacuité médiatique et sarkoziste : « Et si l’on disait le contraire/ Ou si l’on ne disait rien/ Si l’on construisait les phrases à l’envers ». L’artiste n’a pas démenti… Ceci dit, oui, j’ai comme l’impression d’une humanité plus affleurante, une plus grande attention à ce qui se passe autour, au réel.

Musicalement, Bashung reste celui qui sait le mieux associer rock et chanson française (pour le dire vite).

Et puis, surtout, dans un superbe lyrisme de looser, fort d’une longue quête d’harmonies fragiles, incertaines, qui s’ouvrent puis se refusent, « J’ai traqué les toujours, désossé les déesses », Bashung affiche un évident plaisir de chanter, et c’est communicatif. Tout comme ses doutes : « J’ai des doutes sur l’heure à laquelle/ tu viens de rentrer/ La certitude de t’avoir si fort désirée/ J’ai des doutes/ Est-ce que vous en avez ? ». Voilà, j’ai le nouveau Bashung en moi ! 
Pierre Hemptinne


"Chuchotis et murmures autorisés. Encouragés même..."

Depuis deux (très) courts métrages de cinquante secondes de Louis Lumière en 1895 on a tendance à appeler cela « L’arroseur arrosé »… Ne connaissant pas beaucoup plus de Bashung que quelques chansons passant sur les radios généralistes (c’est clair, elles relèvent le niveau moyen des chansons qui, le samedi soir, viennent y interrompre les retransmissions des matchs de foot), que la pochette et le clip de « Osez Joséphine » et les ravages zygomatiques que provoquent, dans l’intimité la plus stricte, mon imitation gromellante et pour le moins fragmentaire de La Nuit je mens (phonétiquement à peu près : «wowôô-wôôô-les-murèèèènn’… »), je comptais, selon une stratégie de type « Cheval de Troie » qui a fait ses preuves, détourner l’exercice imposé de ce texte sur le dernier Alain Bashung pour parler de… Colin Newman. Mais, au petit matin, une fois passé les murs d’enceinte de la ville, après une nuit de réflexion, les soldats cachés dans le cheval en bois se sont ravisés et ont abandonné leurs inavouables desseins…

Je m’explique : Colin Newman était (et est encore) le chanteur d’un de mes deux ou trois groupes rock préférés : Wire. Trois resplendissants colliers de pierres précieuses aux arrêtes coupantes et aux facettes étincelantes à la fin des années septante sans lesquels par exemple, dix ans plus tard, les Pixies n’auraient pas été les Pixies… Une reformation fin des années quatre-vingt ; une autre au début des années zéro… Et Bashung ne se prive pas en interviews de se déclarer fan de Wire. En juin 2005, à l’occasion d’une carte blanche offerte par la Cité de la musique à Paris il invita aux côtés de Bonnie Prince Billy, d’Arto Lindsay (par ailleurs présent en studio sur «L’Imprudence») ou de Chloé Mons, Githead l’autre groupe de Colin Newman (avec Robin Rimbaud et des membres de Minimal Compact). L’occasion aussi pour moi d’enfin écouter l’album « Novice », enregistré en 1989 avec Newman mais aussi, entre autres,Blixa Bargeld des Neubauten et des Bad Seeds ou Dave Ball de Soft Cell… Grosse déception : cet album - pourtant doté d’une certaine aura de « disque culte » - a mal vieilli. Une sorte de rock synthétique eighties (et, dans ce sous-genre, plutôt le bas que le haut du panier) aux arrangements et à la production tellement boursouflés qu’ils poussent sans cesse le chanteur vers la surenchère et l’exagération.

Quel soulagement, après cette débâcle, de réécouter son nouveau « Bleu pétrole » ! Tonalités plus acoustiques, arrangements discrets et plus aérés, plus d’espaces pour un chanteur moins poussé « à en faire des tonnes ». Chuchotis et murmures autorisés. Encouragés, même... Au creux de l’oreille. Des textes à double niveaux :  la tête dans les nuages et les étoiles, les pieds qui trébuchent dans les coins du tapis. Franchement, vous oseriez enchaîner les deux strophes «On voit de toutes petites choses qui luisent » et «Ce sont de gens dans des chemises », vous ? Gérard Manset, parolier de ce Comme un Lego, assume et c’est quand un Bashung - désormais sexagénaire - prend ces mots-là dans sa bouche, funambule quelques pieds au-dessus du marais du ridicule et de la poésie adolescente, que sa prise de risques me touche vraiment le plus. Beau disque.
Philippe Delvosalle

 

Pascal Bouaziz le Maurice Pialat de la chanson

pascal bouaziz en studio

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