Compte Search Menu

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies permettant d’améliorer le contenu de notre site, la réalisation de statistiques de visites, le choix de vos préférences et/ou la gestion de votre compte utilisateur. En savoir plus

Accepter
Pointculture_cms | critique

GOOD THINGS

publié le

L’album démarre sur une « scie » dont on ne se plaindra jamais qu’elle se soit fixée comme une glu mémorielle sur la B.O. des petits matins blafards qu’on traîne avec soi comme une malédiction heureusement temporaire ! Une boucle sautillante de piano, […]

 

L’album démarre sur une « scie » dont on ne se plaindra jamais qu’elle se soit fixée comme une glu mémorielle sur la B.O. des petits matins blafards qu’on traîne avec soi comme une malédiction heureusement  temporaire ! Une boucle sautillante de piano, une basse qui fait des petits ponts et une voix à dissoudre les cœurs qui scande « I Need A Dollar » comme un appel à l’aide. C’est d’ailleurs ce qu’est cette chanson (devenue par ailleurs générique de la série HBO How to Make It in America), une histoire de type sans le billet vert dont la détresse est magnifiée par un chanteur qui bat avec grâce le rappel des soulmen intemporels : Curtis Mayfield, Gil Scott-Heron, Al Green et évidemment Marvin Gaye.

Que la soul music refasse un (long) tour de piste en tenue « chic » (l'élégance costumière est de rigueur, les cuivres, blinquant comme des soleils, règlent la température des mélodies) est presque déjà de l'histoire ancienne – même si le flambeau a été joliment transmis via d'anciens jeunes (Maxwell, Raphael Saadiq…) et pas mal de « vétérans » toujours verts (Sharon Jones, Angie Stone…) – alors que la « marée neo-soul », gagnant, elle, l'autre côté de l'Atlantique, reprend du galon dans la discipline chahutée de la production de tubes d’extension mondiale.

Outre les incontournables hymnes chevalins et arrosés à la résonance planétaire d'une certaine Amy Winehouse ces dernières années, la course au hit de l'été 2010 se sera jouée entre le « She Said » de (l'Anglais) Plan B et le carton d'Aloe Blacc évoqué plus haut. Avec un léger avantage au second qui ramène la balle soul dans le camp américain. À n’en pas douter, les perspectives de jackpot ont aiguisé les appétits. D’où cette floraison de great soulmen pretenders en apparence d’essences voisines mais qui recouvrent des réalités et trajectoires personnelles bien distinctes. Car, à côté du relent de nostalgie bien sucrée (Ben l’oncle Soul) et de l’exercice de « revivalisme » appliqué façon premier de classe (Eli « Paperboy » Reed), se détachent deux disques absolument pas en porte-à-faux avec leur époque; le A Strange Arrangement de Mayer Hawthorne et le présent Good Things d’Aloe Blacc. Tous deux ont en commun d’avoir débuté via le hip-hop qu’ils ont ensuite (provisoirement ?) délaissé tout en élisant domicile sur un label rap « indie » (Stones Throw) au-dessus de tout soupçon mercantile.

Et là où le duo Emanon (hip-hop tendance electro-funk) éprouve un peu de mal à jouer hors des clous de sa catégorie musicale, Aloe Blacc réussit un disque 100% soul mais imprégné de 1001 influences, concerné mais sans dogmatisme aucun, et qui empoigne la nostalgie d’une époque dorée (?) pour mieux se projeter dans l’avenir et réunir en treize titres toutes les facettes d’une identité forcément multiple. Pour preuve cette version d’une terrassante élégance du « Femme Fatale » des (toujours) redoutables Velvet Underground.

abDe fait, quand cet Américain, né Eghert Nathaniel Dawkins III de parents panaméens et grandi dans le Sud de la Californie, instille menues préoccupations sociales à des chansons qui parfois s’étonnent encore d’événements qui n’émeuvent plus personne (paisible ritournelle « Green Light » à propos des… embouteillages à L.A. !), il le fait en toute connaissance de cause tout en se replaçant dans la lignée d’un songwriting politique noir qui, de Sam Cooke à Public Enemy n’a jamais tout à fait disparu. Cet universitaire autrefois en charge de l’amélioration du fonctionnement des hôpitaux a connu les joies d’un licenciement sec, mais n’en démord pas sur les vertus de l’éducation. Une quasi-insanité dans le contexte d’une musique encore catégorisée comme black, bien que refourguée à un public aussi étendu que possible sous la bannière du moi/je consumériste.

Reste aussi la maestria d’une soul music intemporelle apprise à reculons via le hip-hop pour remonter aux souvenirs de l’enfance et s’enorgueillir d’une beauté virginale retrouvée : d’un orgue posé sous une mélodie chevrotante mais ronde à la Stevie Wonder (« Miss Fortune ») à une déchirante élégie (?) spiralée autour et d’un piano solennel et d’un voile de dentelles de cordes célestes (« Mama Hold My Hand »), tout ici n’est que promesses musicales annoncées par son titre Good Things. L’honnêteté, jusqu’au bout !

Yannick Hustache

 

selec14