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Pointculture_cms | critique

1001 NUITS - SZYMANOWSKI, AUBERT, DELAGE, SANTOLIQUIDO

publié le

SÉLECTION DU MOIS DE SEPTEMBRE 2007 CD DU MOIS

Si Shéhérazade avait eu l’idée de chanter !
Si elle avait eu la voix et le talent d’Amel Brahim-Djelloul !
Nul doute, elle se serait assuré une durée de survie bien supérieure aux deux ans et neuf mois nécessaires à son récit et les Mille et une nuits serait devenu l’Histoire sans fin !
Il n’est pas interdit de rêver et c’est même ce à quoi nous convient les deux charmantes interprètes qui ont uni leur art pour nous offrir un choix de mélodies évoquant l’Orient.
Si cette thématique unique n’est pas originale en elle-même, le programme sort des sentiers battus : un bouquet multilingue réunissant allemand, italien et français pour prouver que l’exotisme au début du vingtième siècle ne fascinait pas que la France. Un autre point commun unit ces mélodies : le fait qu’elles aient été écrites entre 1913 et 1918, soit à une des époques les plus sombres de l’histoire européenne. Cette situation chronologique donne à penser : cet Orient lointain permettait-il de fuir une réalité angoissante en quête d’un ailleurs dépaysant, à la poursuite d’une inaccessible bien-aimée ou à la recherche de réponses aux questions métaphysiques que se pose tout être humain ?
Textes et musique ouvrent sur un univers différent du quotidien.
Le Polonais Karol Szymanowski s’est laissé inspirer par les poèmes de son cousin pour se faire le porte-parole d’un muezzin amoureux louant dans ses chants à la fois Allah et les beautés de celle qu’il aime. Le climat est impressionniste comme chez Santoliquido, hôte occasionnel d’un village tunisien qui tisse sa musique aux textes parfois hermétiques d’auteurs perses du XIe siècle.
Les Six poèmes arabes de Louis Aubert constituent une sorte de livre d’images. Les titres évocateurs, Le mirage, Le sommeil des colombes, annoncent le parfum des fleurs, la chaleur du sable, le mystère de deux yeux entrevus ou l’attrait d’une chevelure. La voix n’avait plus de secret pour ce musicien raffiné, élève de Gabriel Fauré.
S’éloignant plus à l’est, en guise d’adieu à l’Europe, les Quatre poèmes hindous de Maurice Delage sont des joyaux à l’instar des villes que le compositeur visita lors de son séjour en Inde en 1912. Delage a entendu l’appel de l’Orient, ce « Asie, Asie » par lequel débute Shéhérazade de Maurice Ravel dont il fut un des rares élèves. Chez lui, l’expression du désir pour l’autre, de sa différence, culmine dans Un sapin isolé où une vocalise a cappella dit la soif de complétude. Comme cet arbre du nord environné de neige rêve d’un palmier lointain campé sur la pente d’un rocher brûlant, l’Occident se languit d’un Orient qu’il se plait à imaginer et à parer de mille splendeurs toutes plus sensuelles les unes que les autres.
L’important étant que le rêve, tout comme le désir, n’ait pas de fin. [retour]
Anne Genette

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