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Pointculture_cms | critique

ADAM'S APPLES

publié le

C’est une fable et, comme toute fable, cela commence par…

C’est une fable et, comme toute fable, cela commence par…
Il était une fois, dans la verte campagne danoise, un gentil prêtre qui accueillait les âmes perdues que sont les anciens prisonniers.
Ce jour-là, l’âme accueillie, c’est Adam. Il arrive en autobus, boule à zéro, tatouages peu engageants et mine patibulaire. Ivan, short, sandales et col blanc, est venu le chercher en voiture pour le conduire au centre de réhabilitation.
Arrivé à destination, Adam fait la connaissance de ses petits camarades : Gunnar, goinfre, alcoolique et kleptomane et Khalid, Arabe, malfrat et terroriste potentiel (contre une marque de station d’essence). Ivan lui parle du pommier du jardin et lui explique que c’est à lui, Adam, de savoir ce qu’il va faire de sa présence dans ce lieu.

Dialogue (traduits) :
Adam : « Abrège et dis-moi ce que je dois faire. »
van : « Impossible. Ça, c’est à toi de trouver. J’aimerais que tu trouves un but. »
Adam : « Tu piges quand je cause ? »
Ivan : « Oui, je pense. En d’autres circonstances, je jugerais ta remarque insolente, mais ce n’est pas l’heure. Alors, c’est quoi ton but ? »
Adam : « Bon. J’aimerais faire un gâteau »
Ivan : « Faire un gâteau. Aux pommes ? »
Adam : « C’est ça. Un énorme gâteau aux pommes. Voilà mon but. »
Ivan : « Avec nos pommes ? »
Adam : « Avec les pommes du jardin. »
Ivan : « Bonne idée. Tu sais quoi ? Je crois que tu tiens ton but. Tu feras un gâteau. Tu veilleras sur le pommier jusqu’au 1er août. Là, tu cueilleras les pommes et tu feras un gâteau. »

Et ce ne sera pas du gâteau que de vivre jusque-là! Adam éprouvera, face à la personne de ce prêtre à l’hallucinante capacité de déni, les tourments de la perplexité et de l’absurde. Un tigre pris au piège par un placide gnou sous acide… Enfin, c’est une image !
Ivan parle beaucoup, Adam très peu. Et l’expression d’Adam, néo-nazi, quand le prêtre traite comme des peccadilles les actes d’un homme qui a travaillé dans un camp de concentration… Il se passe beaucoup de choses mine de rien à ce moment.
Si la religion n’est pas absente du tableau, elle en est plus la toile de fond que le sujet. Le thème central du film est la notion de choix, choix qu’on oublie avoir, choix que l’on nie avoir, choix que l’on fait parfois aussi, avec ces croyances (pas nécessairement spirituelles) dont nous sommes pétris.
Mordant, caustique, très drôle (les vibrations des cloches et leur conséquence, la chute répétée d’une bible, les déboires du pommier, les réflexions du médecin…), centré sur les personnages (nombreux plans américains ou plans taille, montage déterminé par les dialogues), ce troisième long métrage de Anders Thomas Jensen est un petit bijou qui parle du bonheur sans y toucher. Les acteurs sont fabuleux : Mads Mikkelsen dans le rôle du prêtre et Ulrich Thomsen dans celui d’Adam, un duo déjà présent dans les films précédents du cinéaste : Les bouchers verts VB0528 (2003) et Flickering Lights VF0071 (2000). Si ces noms ne font rien tintinnabuler dans votre tête : Mads Mikkelsen a joué dans Casino Royal VC0281 (le dernier), Open Hearts VO5411, King Arthur VR5734, Torremolinos 73 VT0129, Wilbur Wants to Kill Himself VW2998, tandis que Ulrich Thomsen a joué dans Feu de glace VF1532, Le poids de l’eau VP4943, mais si je vous dis qu’il est le fils qui ne sait plus se taire dans Festen VF1485, cela vous parlera davantage.


Eva Debaix

 

 

 

Le chemin de la rédemption

 

À sa sortie de prison, le néonazi Adam (Ulrich Thomsen) est accueilli à bras ouverts par le prêtre de campagne Ivan (Mads Mikkelsen).

Convaincu que tout être humain est profondément bon, cet homme de Dieu pas comme les autres invite Adam à trouver une tâche à accomplir en vue de sa réinsertion. Ce sera une tarte aux pommes... mais parviendra-t-il à la faire ? Car toute une série d’obstacles l’attend sur le chemin de la rédemption.

Pour son troisième film après les excellents Flickering Lights et Les Bouchers Verts, Anders Thomas Jensen a écrit une fable moderne complètement déjantée et rassemblé la crème de la crème du cinéma danois: Ulrich Thomsen (Festen, Brothers, Le Poids de l’eau) et Mads Mikkelsen (Open Hearts, Casino Royale, Torremolinos 73) partagent l’affiche avec Paprika Steen, Nicolas Bro, Ali Kazim et l’extraordinaire Ole Thestrup en médecin qui n’a pas sa langue dans la poche.

Avec son long chemin de rédemption largement inspirée du Livre de Job (véritable fil conducteur de l’histoire, au même titre que le How Deep Is Your Love des Bee Gees repris par Take That !!!), Adam’s Apples est un véritable bijou d’ironie et d’humour noir: politiquement incorrect jusqu’au bout des ongles, on y parle, en vrac, de foi, de viol, d’enfants handicapés, de skinheads et de maladie avec un humour décapant sans jamais tomber dans la vulgarité, par la grâce du jeu des acteurs et une mise en scène admirable qui font de ce film un grand moment de cinéma. À cette histoire décoiffante de combat entre le Bien et la Mal s’ajoutent des dialogues absolument irrésistibles, une photo de tout premier choix (jamais la campagne danoise ne fut magnifiée avec autant de classe) et des envolées musicales signées Jeppe Kaas qui n’ont rien à envier à Danny Elfman.

Vous voilà prévenu: Adams Apples est un film qui fracasse tout sur son passage, à commencer par les règles de convenance, ainsi que bon nombre d’idées reçues concernant le cinéma scandinave. Prenant à contre-pied les Bergman, Von Trier ou même ses collègues et amies Susanne Bier et Lone Scherfig (qu’il a toutes deux assisté en tant que scénariste), Anders Thomas Jensen est parvenu à un mélange des genres aussi inattendu que réussi, entre film noir et comédie caustique, drame social et cinéma fantastique. Voilà peut-être pourquoi il a raflé le prix du public dans presque tous les festivals où il fut présenté (BIFFF, São Paulo, Varsovie...), achevant de donner au cinéma danois un coup de jeune bien mérité.

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Si Lars Von Trier et Thomas Vinterberg avaient déjà bien entamé le ménage avec la création du Dogme95 (pour rappel, ce manifeste lancé en réaction aux blockbusters anglo-saxons invite les cinéastes à revenir à davantage de sobriété formelle à travers un cahier des charges extrêmement précis – son direct, caméra à la main, décors naturels ou tout du moins pré-existants, pas d’effets spéciaux, etc.), de nombreux jeunes réalisateurs se sont exportés ces dernières années, faisant taire au passage les mauvaises langues soutenant mordicus que le cinéma scandinave est forcément d’un ennui mortel : les réalisatrices Lone Scherfig (Italian for Beginners, Wilbur wants to kill himself) et Susanne Bier (Open Hearts, Brothers – dont l’Irlandais Jim Sheridan vient de signer une adaptation américaine –, After the Wedding) ont su imposer leur vision sensible d’un romantisme jamais cul-cul, l’Islandais Dagur Kári (Nói albínói, Dark Horse) développe un univers à l’humour tendre et décalé, Christopher Boe s’est offert une Caméra d’Or à Cannes lorsqu’il y présenta Reconstruction en 2003, tandis que le Suédois Lukas Moodysson (Fucking Åmål, Lilya 4-ever) réalise des films engagés et enragés, souvent durs et pourtant nécessaires car non donneurs de leçons – une bénédiction en ces temps où la démagogie fait rage dans le cinéma dit « social » !

Quant à Anders Thomas Jensen, s’il s’est fait discret dans la réalisation depuis Adam’s Apples, il poursuit néanmoins sa carrière de scénariste et de consultant pour des productions danoises, mais aussi internationales, comme The Duchess de Saul Dibb (2008) ou Antichrist de Lars Von Trier (2009).

 

Catherine Thieron

 

Disponible en téléchargement sur
uc

 

 

 

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