MERRIWEATHER POST PAVILION
(Pour en finir avec) Animal Collective « Merriweather Post Pavillion ».
Le groupe le plus cité de la planète rock depuis une paire de saisons ne débarque pas de la planète Mars. Et bien qu’on ne sache pas trop où il va, on étaye quelques solides soupçons sur les quelques étapes essentielles qui l’ont amené ici!
Et petite précision, même si la fréquentation de « Merriweather Post Pavillion » relève à présent de l’indispensable pour briller en société, du moins celle qui attribue à la hype (pré mainstream) une valeur standard d’échange, le premier degré a bien sa place chez ces Américains originaires du Maryland et devenus emblématiques d’une scène new-yorkaise en perpétuelle ébullition créatrice. Plus qu’à un groupe, A.C. fait davantage référence à l’idée d’une licence collective (…), une sorte de franchise sous laquelle David Portner (Avey Tare), Brian Weitz (Geologist), Josh Dibb (Deakin) et Noah Lennox (Panda Bear) se réunissent autour de la confection d’un disque selon des configurations aléatoires dues au degré d’implication et au stock d’idées du moment de chacun de ses participants. D’où une discographie bien fournie (8 ou 9 selon le type de comptage) mais pas toujours des plus lisibles pour le néophyte, d’autant que les projets annexes foisonnent (Panda Bear en solo, Avey Tare avec madame, ex Múm, Kria Brekkan, ou flanqué de ses potes de Black Dice sous le nom de Terrestrial Tones), et que leur mini maison de disques (Paw Tracks) publie plus volontiers les disques des amis (Lights, Ariel Pink…) que les traces successives de leurs pérégrinations sonores.
Au premier contact, rien n’échappe plus à la préhension immédiate que les ritournelles liquides et fuyantes d’Animal Collective. Structures flottantes, tournoyantes et/ou obliques, une pulsation rythmique qui fait la navette entre un tribalisme entêtant et une polyrythmie primitive et quasi disfonctionnelle, un maillage serré et complexe de sonorités organiques et digitales reposant de fait sur un terreau aux multiples trouées, planqué, mais de moins en moins, derrière un épais brouillard d’effets en (?) trompe l’oreille. Et au-dessus, par-delà ou tout autour, c’est selon, des harmonies vocales impossibles et aériennes qui laissent deviner que les anges ne fument pas que de doux nuages ou que le langage, quel que soit l’âge, c’est une affaire de réappropriation constante.
Dans ce flux, il n’est pas insensé d’entendre quelques (re)montées acides 60’s du Syd Barett des débuts du Pink Floyd, les chœurs du Beach Boys réarrangés depuis l’intérieur du crâne dérangé de Brian Wilson et même du Crosby, Stills & Nash pendu(s) par les pieds. On pourrait lister les Residents et glisser les noms de quelques zélés de la répétitivité contemporaine (Terry Riley) mais ce serait passer sous cape qu’Animal Collective, c’est avant tout une bande de petits rigolos facétieux. Du genre à balancer un mashup Kylie Minogue/Public Enemy de leur cru en plein set de leur (très sérieux) coreligionnaires des Liars ou de Black Dice!
Pareil avec les 70’s. La rigueur métronomique parfaitement digérée du krautrock allemand (Can, Faust, Neu!), l’inévitable héritage Kraftwerk n’empêchent nullement un beat disco (à la LCD Soundsystem) de prendre régulièrement l’ascendant rythmique de morceaux qui ne cessent de titiller les guiboles autant qu’ils vrillent les têtes. Naturellement perméables aux stridences noisy des guitares teintées de psychédélisme des Mercury Rev et Sonic Youth ou à l’orthodoxie bruitiste d’un Merzbow, les quatre éponges d’A.C. n’ont non plus pas perdu une miette de ce qui a fait tourner en bourrique la pop mondiale de ces 20 dernières années; Michael Jackson, Pet Shop Boys, la techno, le hip hop…
Mais à la différence de ces enfants de MySpace (MGMT) qui se bornent à régurgiter, parfois avec malice, le trop plein de musiques absorbées jusqu’à l’overdose, Animal Collective repasse le post-modernisme pop (recombiner les bouts du passé avec des moyens actuels en fixant l’avenir) à travers une espèce de loupe electro-pop déformante qui, outre sa palette de perspectives inédites, ajoute quantités de leurres sensoriels et effets de distorsions de réalité, réunissant certes les conditions d’un trip hallucinatoire hautement addictif mais qui, au lieu de servir de curiosité (gratuite?) ou d’échappatoire refuge, pousse à aller de l’avant. Si par facilité ou paresse, ils se voient parfois versés dans le fourre-tout répulsif «avant-garde», on préférera, et eux en premier, les taxer d’hédonistes créatifs et exigeants. A l’exemple d’un TV On The Radio 100% WASP tendance blanc pâle, les Américains n’ont pas leur pareil pour tisser une trame immédiatement identifiable à partir d’un fatras immense, de faire démarrer un propos neuf qui soit «relativement» accessible et s’adresse directement aux sensibilités à partir d’éléments infiniment composites.
On entre dans «Merriweather Post Pavillion» comme dans un «Strawberry Fields» où pousseraient des fraises électroniques, avec des chœurs célestes pour plafond et des (samples) de claps dans les mains pour rythmer les minutes. «My Girls» à sa suite parle d’une préoccupation masculine universelle résumée dans son titre à travers un essaim de voix folâtres, excitées comme des puces. Plus loin, «Summertime Clothes» est un quasi-hymne à l’appel des beaux jours, «Daily Routine» et «Bluish» un doublé bucolique pour rêver de campagne en ville, «Lion Coma», un détournement de bon augure (original signé Lathozi Mpahleni) et le terminus, «Brother Sport», une scie musicale immunisante contre toutes les sinistroses environnantes.
A faire tourner en boucle…
YH.