Troisième documentaire de la sœur de Ralph et Joseph Fiennes dans notre base de données après 'Hoover street revival' sur une communauté religieuse (TH4375) et 'The pervert's guide to cinema', lecture pour le moins secouante de quelques classiques réalisée avec le philosophe/psychanalyste Slavoj Zizek (TD7361).

Consacré à Anselm Kiefer ce film est en lui-même d'une splendeur formelle époustouflante, que ce soit lorsque la caméra glisse au cœur des dédales imaginés par l'artiste avec une lenteur digne des premières images de Alien, une lenteur toute en tension soulignée par la musique de György Ligeti ou que ce soit lorsqu'on le voit en acte, Kiefer filmé dans son village/atelier de Barjac où sur 35 hectares, en plus de créer des formes en inventant sans cesse de nouvelles manières de faire de la sculpture, de la peinture ou de la gravure, il rejoue et refait la matière du monde, où il devient la matière, où il devient le processus d'évolution, où il devient sans doute un peu le temps et le créateur lui-même sans que ce qu'il produit apparaisse démiurgique (grande modestie en filigrane).

Très saisissant de le voir travailler les matériaux pour refaire leur travail, là on dirait qu'il est la chimie même, qu'il est les entrailles de la terre, qu'il est un volcan, qu'il est le forgeron ou le feu lui-même. Il faut voir et s’éblouir de sa saisissante fascination pour le plomb, pour les sculptures de livres, pour les évocations de Lilith qui construisit son œuvre sur des ruines, d'où le titre du film. Impossible alors d'éviter ces questions, de quoi sommes-nous faits, qu'est-ce que la matière, qu'est-ce qu'un geste, qu'est-ce qu'un livre, qu'est-ce qu'un savoir, qu'est-ce que la culture, qu'est-ce que la pensée, qu'est-ce qui pousse à embrasser et embraser ainsi tous les chantiers de la création...

Qu'est-ce que la matière du monde pour nous fasciner ainsi? (DS)