QUINTETTE CLAVIER OP.81 / BAGATELLES OP.47
Au cœur de l'Europe centrale, au carrefour des christianisations d'Orient et d'Occident, les pays tchèques furent écartelés entre guerres, religions et langues. Au XIXe siècle, la musique fut associée à la conquête de l'identité culturelle. Même s'il s'inscrit dans une généalogie riche en musiciens de talent, Smetana fut le « réveilleur » de la musique tchèque, son premier artisan et son étendard. Antonin Dvorák prolonge cette épopée au travers d'une histoire politique chaotique. Tout comme son cadet Leoš Janácek, Dvorák s'est imposé sur la scène mondiale comme chantre de la musique tchèque. Petit paysan doué, miraculeusement doué, il fut bercé par les musiques villageoises, tant au bal qu'à l'église. Formé à la musique par un maître intuitif, Antonin Liehmann, il devint curieux des mouvements musicaux modernes germaniques, admira Wagner pour s'en détacher ensuite, sous l'influence d'un autre Allemand, Johannes Brahms, au profit d'une musique peinte aux couleurs de la Bohème.
Un mélange de parfum de terroir et de classicisme donne aux Bagatelles (Malickosti) pour deux violons, violoncelle et harmonium (1878) un charme indéniable. Outre la présence d’une mélodie populaire Les cornemusiers jouaient à Poduba, on entend les accents d’une polka paysanne et d’une sousedská. Mais le plus étonnant dans ces pièces est l’utilisation d’un harmonium plutôt que celle d’un piano. Cet instrument véhicule, via le cinéma, l’image d’un instrument joué par une vielle fille célibataire (pensez à Katharine Hepburn dans The African Queen de John Huston - VA1751) dans le cadre d’un office religieux. C’est oublier un peu vite que l’instrument a connu, à la fin du XIXe siècle, une carrière de salon comme substitut du piano. Quelques compositeurs de renom ont composé pour lui : Bizet, Berlioz, Rossini (GB4242) ou Franck (DF7716).
e Quintette avec piano en La majeur (1888) appartient à la haute maturité artistique de Dvorák. Il y a dans cette partition un extraordinaire équilibre entre verve rythmique et thématique folklorique. Ainsi le deuxième mouvement, une Dumka marquée par des changements subits d’humeur, fait alterner des passages nostalgiques avec des passages vigoureusement rythmiques.
Tout cela est magnifiquement mis en place par Frank Braley et l’Ensemble Explorations de notre compatriote Roel Dieltiens. Il règne dans cet enregistrement une vivacité, une légèreté, une transparence comme on en rencontre rarement.
Benoît van Langenhove