I AM A BIRD NOW
Personne avant les deux confessions bouleversantes (cfr.
et
) de ce « phénomène » n'avait
réussi à capturer et restituer avec pudeur, honnêteté
et sensibilité la cruelle dualité de l'être humain tenaillé,
déchiré pour certains, entre sa masculinité et sa féminité…
Antony, diva à la voix de crooner stupéfiante, au visage de saint
médiéval, chante le blues, la soul, s'adresse à l'âme
comme au cœur, tout en (se) déchirant les tripes, affiche sa dualité
humblement, en croisant le déchirement extatique d'un Otis Redding, la
soul orgasmique d'une Nina Simone et les envolées lyriques d'une Elizabeth
Frazer, sans oublier la décadence d'un Marc Almond (influences reconnues).
Il compte parmi ses proches d'autres écorchés vifs à la
voix étonnante, Rufus Wainwright et Boy George, présents sur son
dernier opus I'm a Bird Now . Le premier se fend d'une courte pièce
- What can I do - canalisant tout son art, tandis que le
second s'offre un moment de grâce absolue, aux accents gospel, avec You
Are My Sister , une déclaration d'intention bouleversante. Même
Lou Reed, macho invétéré, a « craqué »
pour Antony et pose son inimitable voix éraillée et sa guitare
acide sur Fistful of love , au groove soul irrésistible.
Dés l'intro, le rideau se lève sur un univers personnel très
théâtral, ultra-mélodramatique, qui, si les effets n'étaient
pas dosés, pourrait virer en sirop indigeste, écueil évité
avec intelligence car la sensiblerie n'est pas ostentatoire, mais criante de
vérité, appuyant là où cela fait mal, opposant avec
justesse le ying et le yang, É ros et Thanatos, l'humain quoi, dans toute
sa splendeur et parfois sa décadence…
Écrin de cordes, cuivres dorés (Steve Bernstein, Doug Wieselman,
Paul Shapiro, trois piliers de la scène « downtown »
new-yorkaise), piano affectif, voix en apesanteur, plongent l'auditeur dans
un bonheur indicible, induisent un trouble profond provoquant un retour sur
soi. Le regard dans le miroir ne serra plus le même, quoi qu'il en coûte…
(Lionel Charlier, Seraing)