SPIEGELMAN - TRAITS DE MÉMOIRE (ART)
Lancée par Arte Éditions dans la foulée du dernier festival d'Angoulême, la collection Univers BD rend hommage, comme son nom l'indique, à la bande dessinée. Une occasion de (re)découvrir un art trop souvent (et injustement) relégué aux cours de récréation...
Avec La BD s'en va-t-en guerre, le documentariste Mark Daniels est allé à la rencontre d'artistes atypiques qui ont choisi d'utiliser leurs crayons comme un photographe de guerre utiliserait son appareil: dessiner pour témoigner. Appelée BD-reportage ou BD-journalisme, cette bande dessinée d'un genre nouveau tient plus du récit autobiographique que du divertissement. Ses auteurs ont en effet choisi de témoigner à travers un art accessible au plus grand nombre pour sensibiliser le public et effectuer ainsi un travail de mémoire, parfois par choix, parfois par nécessité.
Là où Marjane Satrapi (Persepolis) et Keiji Nakazawa (Gen d’Hiroshima) ont raconté leur histoire personnelle, d'autres, comme Joe Sacco (Bosnie, Palestine) ou Patrick Chapatte, dessinateur de presse pour le quotidien suisse Le Temps, se substituent aux reporters de guerre, ramenant de leurs voyages en territoires hostiles des images de la réalité telle qu'ils (et leurs témoins) l'ont vécue. Le fait qu'ils soient dessinateurs leur permet bien souvent de contrer la censure des médias officiels et de rapporter de leur périple des témoignages de première main.
Dans tous les cas, cette narration en « je » à travers les yeux d'un personnage facilite l'identification, la grande Histoire étant racontée via l'histoire personnelle d'un protagoniste. Plutôt que de transmettre des informations « objectives », il s'agit ici d'aller au cœur de l'émotion, permettant au lecteur de s'approprier le récit en s'arrêtant sur une phrase ou une image. Images certainement moins difficiles à supporter que des photographies, ce qui autorise les auteurs à présenter des horreurs innommables de manière frontale et néanmoins avec tact. Autant de témoignages précieux et nécessaires en ces temps de (dés)information sauvage.
Parmi les artistes interrogés dans La BD s'en va-t-en guerre, on retrouve Art Spiegelman qui fait l'objet du deuxième DVD de cette nouvelle collection : Art Spiegelman - Traits de mémoire.
Fils d'immigrés juifs suédois, l'auteur de bande dessinée explore en dessins une histoire personnelle douloureuse. Comme il le précise, c'est moins par égocentrisme que par manque d'imagination, et on le croit sur parole, car le sympathique new yorkais généralement avare d'interviews fait preuve d'énormément d’humilité. Avec beaucoup de recul, de clairvoyance et un humour salutaire, Art Spiegelman revient sur son parcours, de ses premiers pas dans la BD underground à la fin des années 60 jusqu'au récent À l'ombre des tours mortes où il raconte son 11 septembre 2001 en passant évidemment par le succès sans précédent de Maus, histoire familiale en deux volumes qui se penche tant sur l'Holocauste que sur les rapports délicats entre un père et son fils et vaudra à son auteur le Prix Pulitzer en 1992.
S'éloignant du documentaire conventionnel, la collection Univers BD donne la parole à des artistes de talent tout en faisant la part belle à leurs travaux: entretiens et planches de BD se succèdent avec fluidité dans des montages inventifs, la forme étant, une fois n'est pas coutume, aussi séduisante que le fond.
Catherine Thieron
Clara Kuperberg et Joëlle Oosterlinck – France, USA 2009, 43’.
D'Art Spiegelman, on connaît surtout "Maus", la bande dessinée qui lui a valu le prix Pulitzer et qui est basée sur le témoignage de son propre père, déporté à Auschwitz. Pourtant il y a un avant et un après "Maus", et derrière ce livre devenu culte, une personnalité qui mérite d'être dévoilée. Car si Spiegelman est un véritable témoin de l'histoire, il est aussi ce Juif New Yorkais pure souche bourré d’humour et d'autodérision.
La chronique de la rédaction de La Médiathèque
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