ACT OF WAR
L'acte de guerre a pour objectif de prendre le pouvoir, de le rétablir
ou encore de le garder. Toute forme d'action armée réclame par
sa violence le tribut de la victoire, c'est-à-dire le droit de décider,
de dominer et de disposer du vaincu. Peu importe les motifs qui engagent l'homme
dans la spirale de la force armée. L'unique justification de son engagement
tient au fond et véritablement dans le désir de posséder
le pouvoir qui lui fait défaut afin d'exercer l'autorité qui lui
permettrait d'accomplir ses volontés. Mais s'il s'attache au pouvoir,
que ce soit pour l'amour ou pour la haine, il finira toujours par dénaturer
la justesse de ses convictions. Ce n'est qu'une question de temps. Car le pouvoir
seul décide du sort de celui qui en dispose. L'homme pris dans la trame
du pouvoir finira par faire des meilleurs idéaux la caricature de tout
ce qu'ils combattaient jusque là. Aussi sûrement que s'il tentait
d'adoucir les traits de son visage en le plongeant dans la braise ardente d'un
violent incendie. Ceux qui ont le pouvoir veulent le garder et ceux qui ne l'ont
pas veulent le prendre. Un point c'est tout. Voilà ce que ne disent pas
ceux qui font l'apologie de leur guerre. Voilà aussi ce que ne comprennent
pas ceux qui en subissent la fascination. Qu'elle soit sainte ou impie, qu'elle
soit juste ou injuste, le massacre des innocents est le vrai visage du pouvoir
avec son cortège de mensonges et la valse des trahisons. On oublie facilement
que le seul maître du pouvoir, c'est le pouvoir lui-même. Sa nature
obsédante remonte la force vitale des hommes pour l'asservir et ceux
qui vivent aujourd'hui, comme ceux du passé, ignorent qu'ils sont pris
de vertige devant l'insondable précipice qui accompagne ses promesses.
Tout ce qu'il vous donnera par la naissance ou l'existence est peu de chose.
La mort finira par vous le prendre. Le prix du pouvoir est dans la tourmente
qu'il distille dans l'âme de celui qui se veut un puissant du monde. Parce
qu'il devra sans cesse se battre pour le garder. Jusqu'au jour fatidique de
la chute. Jusqu'au jour inéluctable de la déchéance. Il
en va ainsi des empires comme des êtres. S'attacher au pouvoir, c'est
devenir son esclave. C'est devenir le pantin atroce d'une espèce de puissance
qui ne tient que dans l'asservissement et l'aveuglement de ses victimes comme
de ses bourreaux. L'exercice du pouvoir est corrupteur et le seul moyen de ne
pas sombrer sous son emprise, c'est de ne pas l'approcher ou de ne pas s'y attacher.
L'abandonner sans regret une fois l'objectif atteint et lui rendre ce qui lui
appartient pour ne plus y revenir. C'est-à-dire tout, c'est-à-dire
rien.
(Jean Nicolas, Charleroi)