Compte Search Menu

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies permettant d’améliorer le contenu de notre site, la réalisation de statistiques de visites, le choix de vos préférences et/ou la gestion de votre compte utilisateur. En savoir plus

Accepter
Pointculture_cms | critique

QUARISTICE

publié le

Un peu vite résumé comme plus abordable (entendez par-là moins expérimental) que ses prédécesseurs, « Quaristice » reste toutefois une énigme,

autUn peu vite résumé comme plus abordable (entendez par-là moins expérimental) que ses prédécesseurs, « Quaristice » reste toutefois une énigme,

un puzzle pour ceux qui aiment aller au bout de leur écoute musicale. Impossible à digérer passivement, la musique d’Autechre, sans être le monstre de cérébralité qui fait fuir les tièdes, reste entièrement à décrypter. Rien ne nous est offert avec clarté, comme un appareil bien joli dont le mode d’emploi serait en russe. Il nous faut alors tout remonter dans l’ordre, sans faiblir. Et ici, en effet, l’ordre est important, difficile d’isoler les morceaux et de les écouter hors contexte. On ne tirera pas beaucoup de singles de ce disque, malgré le passage étonnant à des pièces plus courtes et le nombre des morceaux (vingt). Par contre, on profitera pleinement des rebonds étranges entre ces morceaux, des éclairages qu’ils projettent les uns les autres. Et l’on louangera la construction de l’album, une fois qu’on l’aura saisie (deux, trois parties?) Et l’on glosera sur les techniques utilisées, cherchant à distinguer samples et sons synthétisés. Et l’on repérera également les références constantes d’Autechre à leurs premières amours musicales au travers d’une constante évocation de sons electro, techno voire hip-hop, références qui, à leurs débuts, nous étaient passées par-dessus l’oreille.

Moins « vertical » que ses prédécesseurs immédiats « Confield » ou « Untitled », qui semblaient basés quasi intégralement sur le travail des rythmiques, « Quaristice » retrouve ce qui fait un des charmes de leur musique: la création, en dessous des éléments percussifs, d’une dimension spatiale, sorte d’horizon apportant une perspective, une dimension, aux impulsions hyperkinétiques du rythme. C’est sur cette base, quelque fois construite sur une nappe synthétique, parfois issue d’un simple écho, que se révèle au mieux la richesse de leur travail sonore. Un travail basé sur une technique beaucoup plus organique que ne le laisserait penser leur réputation de laborantins fous. Cet album a été entièrement conçu à partir de jams et d’enregistrements de leurs propres concerts. Ils en ont retenu et édité les éléments les plus étranges peut-être, ceux qui, de leur propre aveu, les surprenaient eux-mêmes. Depuis leurs débuts, il y a seize ans, c’est cette volonté de renouvellement, ce même esprit d’innovation, de révolution permanente, qui les préservent en vie.

Adoptant des stratégies nouvelles à chaque étape de leur carrière, ils ont néanmoins maintenu une cohérence totale au fil de leurs neuf albums. S’ils poursuivent leur quête d’abstraction et la voie de la pure spéculation sonore, c’est sans se départir d’éléments qui sont constants depuis leur premier album « Incunabula », des sons, des climats, des ambiances. Régulièrement, d’un album à l’autre, certains de ces éléments refont surface, qui évoquent l’un ou l’autre de leurs albums précédents, comme un recyclage perpétuel de leurs obsessions et de leur banque de sons. Un même souffle se perpétue ainsi, au travers de leurs expériences les plus minimalistes et de leurs disques aux apparences les plus arides et glacées. Perturbant les attentes de l’auditeur à grands coups de timeshifts et de glissements hors synchro des rythmes et des ébauches de mélodies, ils poursuivent avec cet album l’élaboration d’une œuvre qu’on ne peut juger que dans son ensemble, jaugeant chaque nouvelle pierre de l’édifice à l’aune des précédentes. Difficile alors de balayer les craintes d’un assagissement lorsqu’on se remémore la radicalité des albums qui l’ont précédé. Et néanmoins, en calmant le jeu au fil de l’album pour terminer sur une note quasi ambient, ils se ménagent une nouvelle piste pour leur exploration sonore. Les multiples soubresauts occasionnés par les changements de rythme et de direction au fil de cet album feront quelquefois craindre une forme de recherche irrésolue, inachevée, comme s’ils s’étaient refusés à trier les options qui s’offraient à eux. Et il faudra de nombreuses écoutes avant de se rendre compte de la cohérence de ce disque.

Benoit Deuxant

 

Classé dans