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Pointculture_cms | critique

BALKAN GROOVES

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Le bal qui tue !

 

Le bal qui tue !
La folie contagieuse des Balkan…


Il y a quelques années, l’écrivain Alexei Monroe décrivait le turbo-folk des ex-républiques yougoslaves comme un défi à la culture occidentale, en représailles à la pop anglo-saxonne. Le genre, qui mélangeait rythmiques techno et mélodies folk traditionnelles était alors très populaire auprès des ultranationalistes et des paramilitaires serbes, par exemple, qui y voyaient un moyen de paraître moderne tout en refusant la culture de l’ennemi, en rejetant toute influence du rock américain ou européen.

Aujourd’hui la situation a un peu changé et le but du Balkan Beat n’est plus nécessairement nationaliste, ou identitaire. Le genre est au contraire autant dirigé vers l’extérieur que vers l’intérieur, il est d’ailleurs en grande partie issu de croisements réalisés hors des Balkans, par des musiciens et des producteurs d’Europe de l’Ouest, introduisant progressivement des touches balkaniques dans leur musique, des samples de fanfares, des mélodies gitanes, des rythmes slaves, etc. Elaboré de Vienne à Paris, quelquefois par des immigrés issus du sud-est européen, mais parfois simplement par des mélomanes fascinés par la mélancolie ou l’énergie de ces musiques, le Balkan Beat a ainsi commencé sa vie comme une forme de remix, avant d’être à nouveau réassimilé dans sa culture d’origine. Ainsi s’il était au départ envisagé et construit comme un produit exotique, utilisant le cliché des Balkans comme représentant l’étranger intérieur de l’Europe, la région barbare aux confins de la civilisation, il est aujourd’hui revendiqué là-bas comme une preuve de l’approbation de ces musiques de la périphérie par le centre. Il ne s’agit plus ici d’une imitation de la musique mainstream par des contrées considérées comme quasi provinciales, dans la même optique que d’anciennes colonies de l’Occident ont pu imiter la pop dite « internationale » (terme qui masque à peine les relations de pouvoir qui l’ont fait naître), mais bien d’un nouveau phénomène par lequel ces pays « lointains » se cherchent une légitimation, et se voient dans les faits attribuer une reconnaissance par les pays du centre, après avoir en quelque sorte séduit ceux-ci.

Comme le démontre Maria Todorova dans son livre « Imagining the Balkans », l’Europe de l’Ouest s’est construit une image des Balkans comme d’une terre sauvage, rustre et violente qui renvoyait par contraste une vision positive et rassurante de l’Occident; en ce sens l’invention des Balkans est d’une grande utilité pour les autres pays qui peuvent ainsi adopter une attitude paternaliste ou méprisante pour la région, tout en renforçant leur amour-propre. C’est en ce sens que la région s’est en partie construite à travers la projection réductrice qu’en faisait le reste du monde, avec pour conséquence la tendance qu’ont ses habitants de voir leur propre musique avec un sentiment d’infériorité, comme ringarde ou politiquement suspecte, et d’attendre une confirmation extérieure avant de l’approuver eux-même. Cette confirmation est heureusement venue de plusieurs horizons différents, dans le sillage du cinéma d’Emir Kusturica, par exemple, dans les bacs à disques de quelques DJs influents ensuite, ou bien pour remonter plus loin dans le temps, dans le travail extraordinaire d’un groupe comme les 3 Mustaphas 3. L’Anthologie qui nous occupe survole autant les productions autrichiennes, françaises ou italiennes, que la production de musiciens slovènes, serbes, macédoniens, etc. Elle témoigne de la grande variété des approches du Balkan Beat, aussi à l’aise dans la fusion avec la techno minimale qu’avec la drum’n’bass, ainsi que de l’énergie dégagée par cette musique.

Benoit Deuxant

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