SUR LE BOUT DE LA LANGUE
Je ne sais pourquoi, ce Camille-là a dû voir souvent passer ce
Satané Mirza sans jamais décrocher ce foutu Téléphon
qui son . Son Envie de chien bien ficelée entre des atmosphères
érotico-sensuelles et de faux airs de crooners pose le ton dans un blues
alizéen enrubanné de saudade guillerette. Sur le bout de sa langue,
il y a un mélange sucré d'orientalisme et le suranné des
variétés tropicales des années quarante. Il y aussi cette
nonchalance volontaire et plaisante de ces badauds de bazar, là où
pacotilles et bimbeloteries, rien-que-pour-le-plaisir-des-yeux-ma-gazelle, appellent
à la passada. Dans des rubans mélodiques flottant au vent de climats
musicaux bigarrés, de tcha-tcha, de biguine, de rumba, de reggae et autre
mambo, Bazbaz installe une « french touch » latino kitsch
sur la planche contact plutôt ‘Doisneauesque' de la nouvelle scène
française. La chaptalisation du moût musical par ajout volontaire
du sucré des claviers (orgues Farfisa, Moog, Clavinet ou Mélodica)
a remplacé depuis longtemps l'acide palpable de ses années seventies-rock-punk
de feu Le Cri de la mouche (où il sévissait en tant que claviériste).
Même s'il se perd dans le Triangle des Bermudes (reprise de
Mort Shuman qui lui va comme un gant) ou si l'eau lui vient à la bouche,
les chemins parcourus sont résolument cinématographiques. Le lien
entre chansons et cinéma, il connaît ! Sa collaboration à
la réalisation de musiques de films avec le cinéaste Pierre Salvadori
lui donnera l'occasion de composer l'album de Sandrine Kiberlain qui, la godiche,
lui concoctera Dans ma nature . À une voix charmeuse à
la scansion nasillarde de Charlélie Couture ou, plus flagrant, à
celle de Nino Ferrer à qui il emprunte également le ton mélodique
des années soixante, il accroche une écriture souple et ondulante
charpentant des thèmes universels qui portent le monde depuis sa création,
comme l'amour et ses métamorphoses, de la rencontre à la rupture.
La goualante est aguicheuse. Oh !Hé !Hein ! Bon !
(Brigitte Lebleu, Charleroi)