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Pointculture_cms | critique

MODERN GUILT

publié le

Catherine Thieron

 

 

 

Court, trop court !

J'avoue que depuis son magnifique «  Sea Change » en 2002, dernier album de sa période pré-scientologue, Beck me laissait de marbre. Et puis, le voilà qui nous revient enfin avec un grand album rempli de perles pop, courtes et efficaces (3 minutes en moyenne). L’album que j’attendais depuis six ans !

Pourtant, avec Danger Mouse (Gnarls Barkley, Gorillaz, MF Doom, etc.) à la production, j'étais un peu inquiète et m'attendais à un énième essai pseudo-hip-hop.

Que nenni ! Cet album est truffé de tous beaux airs et de toutes belles mélodies qui fleurent bon la pop intemporelle, avec des lignes de basse qui sortent de leur traditionnel devoir rythmique et envoient des mélodies dingues, des batteries rock'n'roll à souhait, des petits gimmicks de guitare irrésistibles et, comme toujours, cette voix qui n'a pas changé d'un poil depuis le désormais classique «  Odelay » sorti en 1996. Comme ce dernier, « Modern Guilt » est un album que l'on croirait avoir toujours connu tellement les mélodies sont simples et entêtantes, servies par des arrangements sophistiqués sans être stériles et un son légèrement crasseux pour la touche vintage (au même titre que la nouvelle coupe de cheveux de Beck – qui, ceci dit en passant, ne l'embellit pas, mais bon, c’est mon avis, hein...).

Le seul reproche que je ferais à cet album est qu’il est court, trop court : je n’ai pas vu passer ses 33 minutes 42 tellement elles étaient savoureuses !

De là à attendre encore six ans…

Catherine Thieron

 

 

 

Tiens, un nouveau Beck ! Ca intéresse quelqu’un ?

L’autre jour, en échangeant quelques commentaires sur l’antépénultième show d’un groupe insubmersible (Sonic Youth) auquel on avait assisté et pour lesquels il avait jadis assuré quelques premières parties (vers 1996 ou 7) tout seul comme un grand avec sa seule petite guitare en bois, on se demandait à quand remontait la dernière fois qu’on avait écouté un album de Beck (Hansen) sans bailler d’un ennui poli. « Mutation », sorti vers 1998 pourrait bien être ce disque charnière-là même si certains gardent encore le souvenir de quelques ankyloses dans les jambes lorsque cet éternel gamin se prit pour Prince avec « Midnite Vulture » l’année suivante. Depuis, l’Américain avait continué à donner de ses nouvelles discographiques sans susciter d’autres frissons qu’un peu de fantaisie participative lors de son précédent travail (« The Information » en 2006) qui offrait à son heureux acquéreur le loisir de créer sa pochette personnalisée sur base des motifs autocollants inclus gracieusement dans le boîtier…

D’un jeune blanc-bec(k) au faciès d’angelot dont l’entrisme touche-à-tout et la proverbiale réussite (« je m’essaye à un genre et je bluffe tout mon monde ! ») frisaient le miracle incarné au siècle dernier, Beck est passé, dès le changement de millénaire, au rayon des poppeux de salon dont les disques trouvent davantage place dans le décor que dans le lecteur. Les mauvaises langues soulignaient la concomitance de sa conversion (?) aux spéculations psychologico-religieuses pour nouveaux riches de la Scientologie au drastique assèchement de son inspiration, alors qu’il était tout simplement humain d’envisager, à un moment où l’autre, un tarissement à la source, si miraculeuse fut-elle.

Suites à de semblables échos de buzz qui, une fois le nom dévoilé de Danger Mouse aux commandes de « Modern Guilt », on en connaît qui se mirent à échafauder les scénarii les plus fous. Mais tout comme un bourricot dopé jusqu’aux sabots ne gagnera jamais une course à Longchamp, si l’inspiration de Beck restait aux abonnés absents, le producteur/musicien le mieux coté de sa génération (« The Grey Album », Gorillaz, Gnarls Barkley…) ne pourra que tuer le temps en faisant joujou avec sa luxueuse console !

Et là, pas de miracle ou de phénix à l’horizon mais un relatif retour en forme avec un disque (33 minutes, quasi un EP) court et frais.

L’inventivité n’est plus vraiment dans son camp et l’Américain ne dispose d’aucun titre de la trempe de « Loser » (en 94 !) qui le réassurerait d’une (re)mise sur orbite sur les radios à hits ou exploserait ses scores de visionnage sur YouTube mais un paquet de bonnes chansons qui puise aux meilleurs moments de sa discographie soft. Du Beck « meanstream » sans mauvais jeu de mots et qui ne cherche pas, aux travers de calculés mais vains coups d’éclat jeunistes, à cacher l’âge de ses artères.

En entrée, « Orphans » soutient sa mélodie ensoleillée et ses chœurs humides de discrets effets électroniques suivi d’un « Gamma Ray » bien irradié en son centre, en rupture de son entêtant refrain, une vraie scie. « Chemtrails » descend de son nuage psychédélique d’une façon très 70’s et c’est MGMT qui fait la grimace. « Modern Guilt » (le titre) se tire dans un nuage de cordes avant un « Youthless » presque funky mais un peu à la masse. C’est en quelque sorte le ventre mou du disque. « Walls » paraît taillé pour la B.O. d’un quelconque blockbuster estival avec son sample idiot de voix féminine. « Replica » a la même fonction mais relève davantage du registre nanar mi-science-fiction mi-écolo. « Soul of a Man », c’est de l’electro avec un tuteur en forme de guitare électrique grinçante. « Profanity Prayers » s’engouffre sans trop se presser dans cette trouée rock’n’roll avant un conclusif « Volcano » qui nous ramène à l’époque « Mutation », les violons en sus.

Une maxime scientologue* dit ceci : « c’est quand on a peu à dire que l’on s’exprime le mieux ». C’est parfois vrai.

 

Yannick Hustache

* : inventée la maxime…

 

 

 

« TRYIN' TO RE-ANIMATE SOMETHING YOU CAN'T UNDERSTAND »
(Beck, Youthless)

J'ai, jadis, été très fan de Beck. Quel plaisir en 1994 de faire mes courses au petit supermarché du quartier, en entendant régulièrement l'irrésistible hit mutant Loser sortir des baffles crachotants de cet endroit généralement peu propice aux découvertes musicales! Âgé de vingt-quatre ans, encore inconnu et débutant, Beck Hansen ne sortait cependant pas de nulle part mais de l'accélérateur à particules d'une prolifique – et bordélique et centrifuge –  scène lo-fi dont la tactique de la primauté de l'action sur l'attente (p.ex. investir son énergie dans la sortie de centaines de cassettes et de seven inches sur des micro-labels de proximité plutôt que de miser sur l'espoir peu probable d'un contrat avec une major) et les techniques du bricolage et de la débrouille ont fait remonter à la surface du globe beaucoup de banals cailloux mais aussi quelques dizaines de pépites non polies, aux arrêtes grossières mais aux radiations déconcertantes. En 1994 (mieux, ou pire, au cours des six premiers mois de 1994), le faux traîne-savates Beck ne sortit pas moins de quatre albums : « A Western Harvest Field by Moonlight », « Stereopathetic Soulmanure », « Mellow Gold » et « One Foot in the Grave ». Via la présence des singles Loser, Pay No Mind et Beer Can, et le soutien de la machine promotionnelle du David Geffen Group, le grand public ne connaît généralement que le troisième disque de la liste. Personnellement, c'est pourtant le quatrième, ce recueil en lambeaux de chansons néo-folk et post-blues, déviées de l'écoulement linéaire de l'histoire de la musique, et enregistrées à la guitare acoustique en compagnie de Calvin Jonhson pour son label K records que je continue à réécouter avec le plus de plaisir.

Car – c'était déjà sous-entendu dans le «jadis» de ma première phrase – j'ai depuis belle lurette, quelque part du côté de ces albums « Odelay » (1996) et « Mutations » (1998) que je n'écoute plus jamais, oublié de garder le contact avec mon vieil ami Beck. En tout cas, je ne faisais plus d'efforts pour aller vers lui, je me contentais très bien de quelques signes qui me parvenaient involontairement – singles diffusés en radio et contributions, parfois très bonnes, à des compilations que j'écoutais pour d'autres motifs que sa présence dans les parages.

Très vite, à l'écoute de « Modern Guilt », je retrouve à la fois la trace de mon attachement lointain au bonhomme (au bout de vingt secondes d'un morceau d'ouverture de moyenne facture, les retrouvailles avec… cette voix! – sensuelle, suave, charmeuse, faussement détachée… ) et les raisons de mon agacement – ce « syndrome Arsène Lupin » qui pour moi le caractérise depuis plus de dix ans : gentleman cambrioleur. Chacun se positionnera selon ses attentes et ses valeurs, regardera la réalité par l'un ou l'autre bout de la lorgnette mais une part de paradoxe ou de malaise demeurera : metteur en formes stylé (gentleman…) de gimmicks musicaux piqués à d'autres (…cambrioleur) ou emprunteur inspiré (cambrioleur… ) surdoué (…gentleman) dans le savoir-faire artisanal de son travail de faussaire. « Modern Guilt » est un album bien fait et pas désagréable à écouter mais je ne peux pas me débarrasser de la sensation quasi-permanente et pas très agréable d'être en train de me faire manipuler, rouler, arnaquer…


Hormis la sautillante ballade pour Marsupilamis Youthless, c'est le faux single (il ne semble pas – encore – être sorti comme single mais en a toutes les qualités) Gamma Ray qui me ravit le plus. Quasi bégayant dans ses répétitions textuelles (« If I could hold hold out for now / (...) Going around around around around / (...)She's got a cactus crown / With a dot dot dot on her brow » – c'est moi qui souligne) le morceau est diaboliquement entraînant et entêtant. Et la combinaison à priori « contre-nature » entre le dance floor et la chaire pour prêche visionnaire et pré apocalyptique (dérèglement climatique, fonte des calottes glaciaires, vagues de chaleur, ouragans et réfugiés désemparés… ) qu'on retrouve en filigrane sur presque tout l'album trouve ici son incarnation la plus fascinante. Un monstre à deux têtes faisant le grand écart ; les pieds dans deux univers opposés (le paradis clinquant et superficiel des sons, des mélodies et arrangements du producteur Danger Mouse, et l'enfer volcano-marécageux des paroles). Deux mondes (surtout le premier) à la facture trop lisse pour y trouver de véritables points d'accroche ou traces de nécessité profonde.


Philippe Delvosalle


 

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