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Pointculture_cms | critique

I LOVE YOU

publié le

Mathieu Boogaerts avait pris l'habitude pour ses deux derniers opus, « 2000 » et « Michel », de créer ses chansons à partir d’une guitare acoustique. Bien que ce réflexe de composition lui ait permis d’accoucher de véritables perles intimistes, le […]

 

 

boogaerts Mathieu Boogaerts avait pris l'habitude pour ses deux derniers opus, « 2000 » et « Michel », de créer ses chansons à partir d’une guitare acoustique. Bien que ce réflexe de composition lui ait permis d’accoucher de véritables perles intimistes, le chanteur a senti qu’il était arrivé au bout d’un cycle. C’est pourquoi il a eu besoin de se repositionner, avant de recommencer l’aventure. Allait-il se répéter dans cette démarche qu’il maîtrise ou bien se mettre en danger et changer les règles du jeu? Expérimentateur dans l’âme, il a bien sûr préféré le chemin de la liberté, se rendant réceptif à toutes autres formes de créativité. Assoiffé de nouveaux rythmes intérieurs, sa première idée fut de titiller son inspiration avec un instrument de travail et de composition différent de la guitare sèche. Et c’est vers la batterie, son premier amour de quand il avait à peine dix ans, qu’il s’est tourné. Pour l’occasion, Mathieu a travaillé d’arrache-pied afin de sortir le meilleur de ses fûts et de ses cymbales. Il s’est exilé à Bruxelles où il a aménagé en home-studio un ancien stand de tir de la police qui avait l’avantage d’être déjà insonorisé. C’est au rythme de cinq jours de travail par semaine, qu’il a pu composer le corpus de ce nouvel album. Il faut savoir que ce fils unique a toujours pris du plaisir à composer seul dans son coin. Et c’est dans ces conditions d’huis clos qu’il donne le meilleur de lui-même.
Avant toute chose, Mathieu s’est mis à jouer spontanément des boucles de batterie, à les sélectionner. Après seulement, il a cherché des mélodies, créé ses parties de basse, de guitare électrique et de synthés. Des cuivres et des chœurs assurés par des amis musiciens rencontrés à Bruxelles se sont invités par la suite. Enfin, il a chanté de cette voix susurrée qui lui est propre, mais, qui, cette fois, brille d’un tout nouvel éclat. En accouchant de cette part plus rock qui sommeillait en lui, Mathieu a naturellement dû chanter plus fort, rugissant même sur quelques titres. De plus, il multiplie les couleurs vocales, réussissant de belles prouesses comme cet effet rockabilly à la Bashung sur la chanson Corinne. Grâce à son feeling très personnel de touche-à-tout de talent, sans rechercher la virtuosité, ce magicien réussit à chalouper ses chansons, leur donnant des accents rock, funk et groovy. Portées par ce joyeux bordel indéfinissable de styles entremêlés, celles-ci dégagent des ondes des plus communicatives, capables même de faire danser les plus raides.
Si cet album a grandi dans un endroit renfermé, il en émane une fraîcheur incroyable qu’on ne retrouve que très rarement dans des productions françaises et qui est typique de certaines musiques enregistrées piste après piste par un seul homme. Le son de la batterie, l’utilisation de vieux synthés et certains passages bien débridés font alors penser au premier album de -M-, « Le baptême » ou encore à « McCartney II » album charnière de Sir Paul sorti juste après la période Wings.
Ces nouvelles sensations musicales ont amené Mathieu à chahuter sa langue maternelle comme jamais auparavant. Pour le plaisir d’étendre le champ des sonorités, le chanteur fait des allers-retours incessants entre un français toujours aussi faussement naïf et un curieux anglais de cuisine. Il s’amuse beaucoup à triturer l’anglais, caricaturant son accent «frenchy» et assumant sans complexe les erreurs de langage. Certes, ses chansons ont perdu quelque peu de leur verve poétique. Mais, elles sont plus instinctives et leur spontanéité touche dès lors des zones chez nous qu’il n’avait pas encore explorées. Dans le fond, Mathieu n’a pas changé. Il parle toujours autant du sentiment amoureux dans toute sa complexité et ses contradictions: rejets et appels, ruptures et envies de retrouvailles… Mais, c’est plus sur la forme et le rendu sonore que l’auteur s’est penché, construisant ses textes comme des inventaires enfantins qui pourraient être le résultat d’un procédé d’écriture automatique.

Constamment confronté à ses limites, le musicien solitaire est amené à les transcender s’il ne veut pas s’essouffler. Avec ce cinquième album, Mathieu Boogaerts se dépasse, réussissant la prouesse de nous captiver comme aux premières heures, nous offrant douze chansons directes et entêtantes issues d’un même trip. Un disque frais, inattendu et plus que bienvenu.

Guillaume Duthoit

Selec

 

 

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