WAY OUT (THE)
Ce nouvel album s’ouvre sur les mots “Greetings and welcome to a new beginning”, prononcé par un thérapeute qui nous promet un nouveau départ dans la vie, une renaissance à nous-même. On peut toutefois discuter l’idée d’un nouveau départ pour le groupe. Malgré les cinq ans qui séparent ce disque de ces trois prédécesseurs, peu de choses ont vraiment changé et le duo semble reprendre ses travaux là où ils les avaient laissés, et relancer la machine dans la même voie qu’auparavant. Non qu’il y ait là matière à reproches, The Way out est non seulement une addition tout à fait louable à leur discographie, mais c’est sans doute un témoignage de leur constante évolution et de leur maturation. Sans être donc profondément différent des autres, il est ainsi peut-être un des plus aboutis dans le détail, dans le soin apporté à la production, et s’il n’est qu’un album de The Books de plus, c’est déjà là une chose dont nous pouvons nous réjouir. Bien sûr chacun de leurs albums possède sa coloration personnelle, qui dépend de son équilibre particulier entre voix samplées et chant, entre bruitage et instrumentation, entre passage lo-fi et enregistrements soignés, mais tous procèdent de la même méthode de travail et d’une même volonté de confronter des éléments hétérogènes, de superposer du dissemblable.
Pour les auditeurs dont l’anglais n’est pas la langue maternelle, une grande partie de l’humour de ce disque sera hélas perdue, et l’irrésistible absurdité des discours et des interventions samplés ne produira pas l’effet souhaité. Le public francophone restera ainsi avec une moitié seulement de ce qui fait à la fois l’ambiguïté et l’intérêt de ce disque: la tension entre paroles et musiques, les unes commentant les autres, les contredisant parfois ou au contraire les confirmant lourdement. L’usage, classique à présent, des disques ou cassettes de self-help ou de coaching - ce qu’on nomme en français le « développement personnel » - faisant la promotion de techniques New Age devant permettre de valoriser ses talents et son potentiel, d’obtenir une meilleure qualité de vie, ou de réaliser ses espoirs les plus secrets, sont à prendre ici avec la distance adéquate, pas totalement au second degré mais certainement pas au pied de la lettre. Quelque part entre les deux se trouve ce qui fait l’attrait de ce disque et de ses prédécesseurs, un mélange paradoxal du plus grand sérieux et d’un humour à froid très efficace. Le recours à l’absurde, au nonsense dans les collages du groupe, leur ajoute une dimension à la fois comique et déconcertante, parfois un peu limite, parfois même un peu inquiétante. C’est entre autres ce qu’on aimait dans les précédents albums, et qu’on retrouve ici tout à fait intact.
Benoit Deuxant