MY LIFE IN THE BUSH OF GHOSTS
1979-1980, un jaillissement improbable de sons. Une combinaison inédite de choses connues. C’était hallucinant. Un appel excitant sous la forme d’une puissante émulsion de sons samplés, guitare électrique et percussion. En furie incantatoire ou en langueur obsédante, en ivresse solaire ou en éclats malsains. Ça affolait l’oreille comme la clameur sauvage, irrépressible, démente, de la forêt vierge. Une musique pleine de vapeurs, de brouillards maléfiques et magnétiques, grouillante d’ombres et de voix venues d’autres dimensions. Ombres et voix peuplant les ondes infraréelles. Voix de prophètes, incantations, prêches enflammés, exhortations aux démons, formules de malédictions, sermons exorcistes, hymnes sensuels damnés et lamentations lubriques. Invitations codées à sortir de sa cage. Toute une Afrique fantôme, ancestrale et actuelle. Vision d’une modernité rationnelle rongée par l’appel des pratiques magiques. Basculement dans la soif d’envoûtements. Touffeur torride des samples et cordes de guitares qui crachent des serpents, électriques et lascifs, lanceurs de sorts ! Cette exubérance juvénile à la Talking Heads qui avait su capter autrement, au-delà du cliché, les pulsions africaines. Une manière nouvelle de croiser musicalement le continent noir. À l’opposé de la « world » qui simplifiera l’Afrique au niveau d’une sono pour kermesses mondialisées.
Un album qui faisait date, aussi, quant à son utilisation de l’électronique, à placer dans une histoire où l’on croise Pierre Schaeffer, John Cage, Steve Reich, Stockhausen… C’est bouillant, explosif et en même temps très étudié, intelligent. Magnifiquement exécuté, précis, avec un dandysme brillant ! Il me semble que ça n’a pas pris beaucoup de rides ! (Les plages inédites apportent tout au plus un éclairage sur le « faire », sinon elles relèvent plus de l’anecdotique).
PH