Compte Search Menu

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies permettant d’améliorer le contenu de notre site, la réalisation de statistiques de visites, le choix de vos préférences et/ou la gestion de votre compte utilisateur. En savoir plus

Accepter
Pointculture_cms | critique

BURIAL

publié le

La sortie de ce disque a pris l’Angleterre par surprise ; sorti de nulle part, un inconnu, encore protégé par l’incognito d’un pseudonyme, passait outre des frontières de genre et brouillait les codes du UK garage comme de la dubstep naissante. […]

L’histoire de ce disque est aujourd’hui bien mieux connue qu’alors et l’on sait qu’il représente plusieurs années de recherche, durant lesquelles Burial a affiné son style et ses capacités techniques. Mélange de plusieurs méthodes de travail, de la même manière qu’il fusionne plusieurs genres musicaux, l’album fait autant appel à une production de pointe qu’à une forme de bricolage très lo-fi. Choisissant d’utiliser des programmes primitifs d’édition sonore plutôt que des séquenceurs plus perfectionnés, Burial construit des rythmiques cahotantes, un peu bancales (mais pas moins efficaces) en copiant-collant ses éléments percussifs au jugé, à l’instinct, au lieu des calculs de précision à l’honneur dans ce genre de production. Mais l’exactitude métronomique et les programmations savantes ne sont pas son propos, et le travail de Burial est bien plus un travail sur les ambiances hautement évocatrices de sa musique. Mixtape d’influences balayant une dizaine d’années de musique populaire britannique, couvrant la période de son adolescence, elle reproduit avec une approximation toute subjective les sonorités et les atmosphères attachées au souvenir de cette époque, un moment-clé dans le développement de la musique électronique anglaise alors que celle-ci commence à se partager entre les raves, les free-parties d’un côté et les superclubs de l’autre, mettant en avant l’authenticité, le réalisme de la jungle d’une part, et la brillance un peu artificielle du UK garage de l’autre. Tout deux issus des mêmes sources, le dub jamaïcain et anglais, la house et la techno, les deux genres deviendront un temps antagonistes, mais pendant les années les plus formatives du musicien, lorsqu’il passait ses fins de semaine à parcourir les moindres recoins de la ville à la recherche de concerts et d’événements semi illégaux (ou simplement non autorisés), dont il revenait à pied aux petites heures, la tête encore emplie de l’écho des morceaux entendus, ces deux musiques fusionnaient, comme elles le faisait sur les ondes des radios pirates de la ville. S’il y a un concept ou une histoire derrière la musique de Burial, c’est cette volonté de retrouver ces émotions et cet état d’esprit, cette association d’une errance urbaine et de sonorités flottant dans sa mémoire. Récit d’une dérive rêveuse et mélancolique, basé de son propre aveu sur les souvenirs de son frère ainé plus que sur les siens, son premier disque assemblait les bruits de la ville, les pas, la pluie, les éclats de conversation, et y superposait des nappes électroniques (lueurs distantes noyées de réverbération), des grondements de basse synthétiques (encore une fois le bourdonnement sourd et persistant de la ville) complétés par ses rythmiques inclassables héritées autant des breakbeats de la jungle que du tempo mécanique du garage. Urbain et nocturne, le résultat final est à la fois une célébration un peu désabusée de ces fêtes passées, désormais disparues, et une bande-son pour l’état de spleen solitaire qui résulte de leur évanouissement dans le souvenir, dans l’histoire ancienne.

Benoit Deuxant

Classé dans