BURKINA FASO: LA VOIX DES PEULS
Le doohi est une forme vocale des Peuls, pasteurs d'Afrique occidentale. Chant social, collectif, lié à la vie pastorale, il a ce côté obsédant, répétitif, bourdonnant, guttural qu'ont aussi certains chants Inuit. Il s'organise en deux groupes formant deux voix qui émettent des sons sans significations (caldî). Les voix produisent les mêmes sons selon la technique de tuilage, de superposition, alternant registres haut et bas, de telle sorte que l'on entend nettement ces différents registres se détacher en bourdons continus ou discontinus qui paraissent autonomes, alors qu'en fait chaque voix assume alternativement les deux registres. Illusion auditive voulue, collective, renforcée par le fait que les chanteurs se placent en chaîne humaine, en alternant les chanteurs des deux groupes (les uns expirant pendant que les autres inspirent). Il s'agit d'une musique de divertissement à laquelle prend part, dès la mue vocale, tout adolescent qui le désire. Étant une technique d'endurance et de puissance, le doohi apparaît dès lors comme une épreuve de virilité liée au cycle de la vie des pasteurs. Ces sons répétés viennent sans doute d'imitations des animaux avec lesquels ils vivent en symbiose, soit les bœufs, soit les crapauds vivant autour des points d'eau. Le doohi est une des techniques vocales « primitives » les plus intéressantes du monde, un langage symbolisant parfaitement les liens étroits entre un peuple et son environnement sonore immédiat. Le CD propose également des chants de femmes ainsi qu'un répertoire joué par des musiciens professionnels ou reconnus comme tels. Ce répertoire se divise en pièces pour les hommes et pièces pour les femmes, on y entend clarinette et flûte traditionnelles en plus des calebasses. Musique enregistrée sur le terrain par Sandrine Loncke, disque essentiel pour découvrir les Peuls Djelgôbé.
Étienne Bours