AFTERPARTY BABIES
Du hip-hop fouineur et sans complexe à qui il ne manque qu’un trèfle à quatre feuilles pour s’imposer.
Il y en a sur qui la chance a jeté son dévolu sans demander son reste. On en connaît d’autres à qui le casino, même avec le guide « Les jeux de hasard pour les nuls » en poche, est totalement contre-indiqué. Le Canadien Cadence Weapon, alias Rollie Pemberton, n’a pas encore tiré la carte baraka, même au Monopoly, mais le destin ne saurait se refuser plus longtemps à une tête brûlée qui semble disposer de bien plus d’une paire d’atouts dans son jeu. Enfin, l’an dernier, la filiale du label anglais hip-hop « plus » de Ninja Tune, Big Dada (Busdriver, Roots Manuva, feu cLOUDDEAD…) ressortait son premier disque, datant de 2005, et assure à présent un suivi concret au programmatique «Afterparty Babies», paru en début d’année.
Un méchant buzz au lieu d’un trop petit (bien qu’enthousiaste) soufflet médiatique aurait été une réponse à hauteur de cet initial « Breaking Kayfabe » qui fondait dans son creuset, hip-hop millésimé de l’âge d’or (début 90’s) et dignes descendances actuelles (catalogues Def Jux ou Mush), clins d’œil electro rétro et œillades sur le présent en cours (dubstep, grime…), mais aussi pop, rock, techno, dub, house… sur un flow précis mais atteint de bougeotte facétieuse.
En 2008, Cadence Weapon ne s’est toujours pas décidé à intégrer les rangs de la normativité rap et procède avec « Afterparty Babies » à un ré-assemblage synonyme de carambolage, de ses souvenirs de noctambule inguérissable et de boulimique patenté de tous les sons qui secouent la nuit.
Le disque débute par une question lancinante, « Do I Miss My Friends ? », autour de laquelle Pemberton monte un spoken word chanté avec l’ombre du Lou Reed de « Walk On… ». La suite de cette exhumation singulière d’un passé encore frais dans les têtes (l’intéressé n’a que 22 ans, après tout!) et les corps, s’assimile au lancement d’un bon vieux missile house (« In Search Of The Youth Crew »). L’humour est sans cesse aux aguets, posé comme un garde-fou à un hip-hop qui ne cesse de fureter à gauche (l’electro « True Story »), à droite (le dubstep « Tattoos »), et au centre (le synthétique et « clubesque » « Getting Dumb », presque rock dans l’esprit) pour ramener son propos autour d’une très imaginaire piste de danse, lieu de tous ses fantasmes musicaux, assumés ou non. Sur le bien nommé « House Music », Cadence Weapon se remémore, amusé, son pire souvenir de DJ avant d’expédier la purée et ses ultimes regrets/remontrances de la plus belle des manières (le roboratif « Unsuccessful Club Night »), dans une joyeuse désinvolture. Poker vainqueur.
Yannick Hustache