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Pointculture_cms | critique

CALABI YAU SPACE

publié le

Longtemps considéré comme un projet mystère, entouré des rumeurs les plus folles, Dopplereffekt a pris un malin plaisir à toujours tromper nos attentes, s’imposant tout d’abord comme les plus dignes héritiers de Kraftwerk imaginables, les meilleurs […]

On connaît aujourd’hui la généalogie presque complète de Dopplereffekt, on sait ainsi à présent que derrière ce pseudonyme se cache notamment Gerald Donald, qui fut la moitié de l’incontournable Drexciya, un projet qui a bouleversé en profondeur (sans jeu de mots) le paysage de la techno de Detroit en développant autour d’une musique minimaliste et intransigeante une mythologie entière reliant l’histoire tragique de l’esclavage, les océans, l’Afrique et les Amériques, la techno et la technologie. Le passage, à la mort de James Stinson, le coéquipier de Donald, vers les nouveaux projets de celui-ci (Dopplereffekt, Der Zyklus, Arpanet, etc.) semblait une continuation logique de leur exploration d’une musique électronique héritière à la fois de Detroit et de Düsseldorf, associant rigueur et radicalité. Ce nouveau départ, avec l’album Linear Accelerator en 2003, et surtout avec ce Calabi Yau Space, tout en maintenant la filiation avec ses prédécesseurs quant au matériel et aux sonorités utilisées, s’écarte totalement du cadre électro antérieur, rejetant le format chanson pour s’engager vers des voies plus abstraites, arythmiques, texturales. Là où les cinq premières années du groupe avaient été marquées par un mélange d’agit-prop politique (dans la lignée d’Underground Resistance, dont Drexciya était proche) et d’une étrange germanophilie, sans doute liée à leurs héros Kraftwerk (Donald se fera un temps appeler Heinrich Müller), le groupe développe à présent catégoriquement une imagerie formellement scientifique (qu’ils avaient déjà en partie abordée auparavant en alternance avec des thèmes plus politiques comme sur le morceau « Fascist State » ou plus provocateurs comme sur « Porno Actress »). Les titres des morceaux font la part belle au vocabulaire de la science et de la technologie, et les pochettes des disques s’ornent à présent de schémas complexes et d’accélérateurs de particules. Il reste toutefois des constantes avec les œuvres précédentes : le goût du matériel et des sons vintage, des tonalités métalliques et des constructions rigoureuses, et surtout le choix d’un minimalisme intransigeant. Le groupe cherche l’épure la plus totale, réduisant ses compositions au strict minimum vital : percussions mécaniques, lignes de synthés brutes, dépourvues d’effets ou d’ornementation, chansons slogans. Puristes intransigeants, ils détournent toutefois le canon électro des premières heures pour l’attirer vers des horizons neufs, une fois de plus très originaux. À travers toutes ses incarnations, Gerald Donald se positionne à la fois comme un traditionnaliste et un moderniste. Sa vision est délibérément futuriste, influencée par la science et la science-fiction, mais dépourvue de l’optimisme qui caractérisait la première génération de musiciens de Detroit ; elle est un commentaire sur un avenir potentiel, prévisible, déjà sensible à travers les avancées technologiques de notre époque, mais sous le couvert d’une froide objectivité toute scientifique.

Benoit Deuxant

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