CALYPSO @ DIRTY JIM'S
Immanquablement, le calypso est une musique de l’été. Au premier rayon de soleil qui permet de dire adieu aux gants, écharpes, bonnets, doudounes et autres, je ne manque pas d’ouvrir la porte du salon - elle donne dans la cour - et de mettre un petit album de mento ou de calypso. La vie se décline alors nonchalamment et rien, mais vraiment rien, ne m’obligera à me dépêcher.
Quand arrivent en même temps ce fameux premier rayon de soleil et, superbe coïncidence, l’album du très, très bon label Smithsonian Folkways consacré à Mighty Sparrow, LE roi du calypso, une chronique s’impose.
Ce prestigieux label a décidé de rassembler dix-huit chansons représentatives des premières années de Mighty Sparrow. Elles couvrent donc les années 1956 à 1959 et nous invitent à explorer les différentes thématiques des textes de Francisco Slinger (le véritable nom de Mighty Sparrow).
Les chanteurs de calypso sont souvent considérés comme les griotsde Trinidad : ils décrivent et critiquent la vie quotidienne, ils dénoncent et n’hésitent pas à donner leur avis concernant la politique, ce qui les fait parfois flirter avec la censure. Il faut dire que, pour les Calypsoniens, les mots sont des armes et, dès lors, ils se considèrent comme de véritables guerriers. D’où des noms comme Bomber, The Mighty Terror… même si leur rôle est aussi de divertir et de faire rire. C’est probablement lors des fameux matches « Ex-Tempo », pendant lesquels les chanteurs rivalisent sur scène, que leur verve est la plus manifeste. Oui, oui, ce sont des joutes verbales qui ne sont pas sans rappeler le rap, le forró des Brésiliens et les Fabulous Trobadors.
Et la concurrence est rude. Chaque année, les chanteurs rivalisent pour gagner des prix dont le Calypso Monarch et la Road March sont les plus prestigieux. Mighty Sparrow a remporté huit fois chacun de ces titres, puis a décidé de se retirer de la compétition.
Voilà qui permet de se faire une idée de l’autorité du personnage.
Et pour les jours où le soleil ne se presse pas au portillon, le DVD Calypso @ Dirty Jim’s devrait vous en fournir votre dose quotidienne indispensable. Entre carnaval et concours «Ex-Tempo», on y rencontre à la fois les vieux de la vieille qui n’ont pas perdu un centime de leur verve et la nouvelle génération qui, fidèle à la tradition, ne manque pas pour autant de la moderniser. Les textes des chansons sont sous-titrés, ce qui permet d’en saisir tout le piquant.
Le Dirty Jim était un club mythique de l’après-guerre à Port of Spain – la capitale de l’île de Trinidad. Fréquenté à la fois par les Noirs et les Blancs – une première – on y écoutait la crème des Calypsoniens, on y admirait les danseuses de limbo et l’effeuillage des strip-teaseuses, le tout généreusement arrosé de rhum.
Le Dirty Jim n’existe plus – tiens, tout cela nous fait penser à un certain Buena Vista Social Club – et le documentaire revient sur ces années fastes du calypso, reconstitution du club et témoignages à l’appui. Il ne se cantonne pourtant pas dans ce rôle d’évocation du passé car le carnaval est également filmé, avec les rues de Trinidad vibrant au son de la soca. C’est ultradansant et l’ambiance est chaude et sensuelle.
Un documentaire qui déborde d’énergie et de sensibilité tout en racontant l’évolution des musiques, des traditions, l’histoire d’un pays. Idéal pour les journées estivales pluvieuses.
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