JUSTICIER DE SHANGHAÏ (LE)
Dès le menu, nous voilà prévenu : le ludion qui se
déplace en fonction du choix est une hache sanglante ! La suite
est à la hauteur !
Deux provinciaux, un boxeur et son ami, débarquent à Shanghai
dans l'espoir d'une vie meilleure. Avec la puissance de ses poings et la protection
de Tan, un caïd, Ma va se tracer un chemin rapide dans la pègre
locale. Sa probité dans un monde de trafics lui vaudra l'opposition des
clans qui lui tendront un piège mortel.
Ma est venu de sa campagne avec l'orgueil des défavorisés. Il
trouve un travail qui rapporte peu et dort sur le sol d'une auberge où
on le rudoie. Il subit les quolibets des gens de la rue, pauvres comme lui,
venus d'ailleurs comme lui, mais forts d'être ensemble. La foi qui l'habite
le pousse vers ce qu'il croit être la réussite, il prend en exemple
Tan qu'il admire, copie et essaie d'égaler. La suite se révèle
désastreuse : Tan est victime d'un guet-apens, et Ma lutte en vain
contre les sbires des parrains locaux, jusqu'à sa fin programmée.
Ma est un héros romantique : solitaire, beau, jeune, fort, jalousé,
idéaliste, mal-aimé de la femme qu'il aime, finissant son rêve
désespéré en un pas de danse extasié de sang et
de douleur.
S'ensuivent des combats d'anthologie : avec un énorme lutteur russe,
des coutelas, des haches, du mobilier, des lattes de bambou, des coups de poings,
de pieds... seul contre cent.
Pendant ces bagarres, on imagine des bulles s'envolant de toutes parts et jonchant
la scène d'onomatopées fulgurantes.
La musique qui soutient les différentes actions rappelle, par ses rythmes
et instruments, les comédies musicales américaines (West Side
Story, par exemple); les plans fixes des visages, les gros plans de bouches
ouvertes sur des sourires carnassiers, suggèrent l'influence de Sergio
Leone. Dans un premier temps, le film fut distribué en France sous le
titre absurde de « La Brute, le Bonze et le Méchant » !
Avant de porter aux nues Kill Bill de Tarentino, qui n'est après tout
qu'un patchwork luxueux du cinéma asiatique, voyez le Justicier de
Shanghai .
( Pierre Coppée, Charleroi )