STORM
Il n’est plus nécessaire aujourd’hui de présenter Chris Watson comme un ancien membre de Cabaret Voltaire. Sa réputation de field recordist et de documentaliste éclipse à présent ses premières armes au sein de deux des plus importantes formations de musique expérimentale britanniques, CV et The Hafler Trio. On le reconnaît désormais, depuis la parution de trois disques magnifiques en solo sur le label Touch, comme un des plus grands « enregistreurs » de ces dernières années. Spécialisé dans la prise de son de la nature, il a su profiter de son travail de documentaliste pour la BBC et la National Geographic TV pour collecter les documents sonores exceptionnels qui forment la base de ses disques. Après ces trois disques centrés l’un sur les phénomènes naturels (tempêtes, dégel de glacier, éruption de geyser…), l’autre sur les ambiances particulières à certains lieux (une rivière au Kenya, un clocher dans le Northumberland) et le troisième sur ses enregistrements d’animaux, Chris Watson s’est embarqué dans une série de collaborations. Une première en 2005 avec Z’ev et KK Null, intitulée Number One et ensuite celle-ci avec BJ Nilsen. BJ Nilsen, musicien expérimental suédois, également connu sous le nom de Hazard, est aussi preneur de son émérite, et a en commun avec Watson une fascination pour le vent, un des éléments les plus délicats à enregistrer. C’est cette obsession qui sera le prétexte de leur première rencontre, Nilsen cherchant des enregistrements de vent pour son album Wind. Ils passeront ensuite quelques années à collecter, dès que la saison s’y prêtait, les différentes tempêtes qui menaçaient leurs côtes respectives, l’un sillonnant la Grande-Bretagne, l’autre la Scandinavie. Storm est le résultat de cinq ans d’enregistrements compilés en trois pièces, deux en solo, une en commun. La tempête y est déclinée sous tous les points de vue, ou point d’écoute: de l’effroi de la tempête en mer à la mélancolie de la pluie battant une fenêtre, en passant par les vagues s’écrasant contre les rochers et le grondement du vent à travers les arbres. Tous ces points d’écoute sont autant de vues subjectives de la nature et de la relation disproportionnée de l’homme face aux éléments. Un travail de composition impressionnant, immersif et contemplatif à la fois.
Benoit Deuxant