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Pointculture_cms | critique

NACHTWEY, WAR PHOTOGRAPHER (JAMES)

publié le

La photo comme sacerdoce

 

 

 

 

 

 

 

 

1La photo comme sacerdoce
Troisième d'une fratrie de six enfants, devenue portraitiste de renom, Annie Leibovitz doit probablement sa vocation aux rituels familiaux : de tout temps, les Leibovitz ont réalisé photos et films de famille. Annie s'empara de l'appareil photo. Barbara, la benjamine, de la caméra. En 2006, elle a consacré à son aînée le documentaire « Life through a Lens », dont la forme classique faite d'entretiens et d'images d'archives contraste avec le parcours atypique de la photographe: après de premiers clichés pris aux Philippines durant la guerre du Vietnam où son père, officier de l'US Air Force, était affecté, elle arriva en 1967 au San Francisco Art Institute où elle participa aux ateliers de photographie. Elle trouvait intéressant que l'appareil photo permette « de s'aventurer seul dans le monde, mais avec un but » et se fit remarquer avec ses premiers reportages par le tout jeune magazine Rolling Stone.
De fil en aiguille, elle documenta le départ de Nixon, rencontra Yoko Ono et John Lennon (qu'elle prit en photo une dernière fois quelques heures seulement avant son assassinat) et surtout partit en tournée avec les Rolling Stones. Cette tournée marquera le début d'une addiction sur laquelle, de longues années après s'en être débarrassée, Annie Leibovitz reste discrète.

Lorsque le magazine Rolling Stone déménage à New York en 1978, la photographe rencontre Bea Feitler qui devient une sorte de mentor artistique. Elle la poussera à créer de véritables mises en scène. Sa photo de Bette Midler allongée sur un lit de roses sera déterminante puisqu’Annie Leibovitz sera débauchée par Vanity Fair à la création de celui-ci, après un passage par la case « rehab ». Un emploi somme toute paradoxal au vu de cette femme au caractère bien trempé qui, de son propre aveu, ne s'est jamais intéressée à la mode.

Avec Susan Sontag, sortir du divertissement
C'est au cours d'un shooting qu'Annie Leibovitz fera la connaissance de Susan Sontag. Figure emblématique du milieu intellectuel, l'auteure deviendra la muse de la photographe, la poussant à exécuter des travaux auxquels elle ne se serait sans doute pas risquée seule. En 1993, elles se rendent à Sarajevo, d'où Annie Leibovitz rapportera des photographies qui ramèneront ses travaux précédents à leur véritable niveau: celui du divertissement. La maladie de Susan Sontag sera le point de départ d'un autre type de reportage: l'observation de sa propre vie. Elle documentera ainsi le décès de sa compagne et celui de son père, car «dans la perte, la photographie est une consolation», mais aura entre-temps donné naissance à trois petites filles, après s'être rendue compte à l'âge de 50 ans que, tout absorbée qu'elle était dans son travail, elle en avait complètement oublié d'avoir des enfants…


Photographier la guerre
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Autre photographe à s'être sacrifié au service de son art, le reporter de guerre James Nachtwey. Si son nom ne vous dit rien, vous avez très certainement vu ses photos qui s'étalent dans la presse depuis le début des années 80. Il revient alors avec des images de la guerre civile en Irlande du Nord et de membres de l'IRA en grève de la faim. Depuis, James Nachtwey n'a cessé de documenter guerres, conflits et autres situations critiques, telles que les famines ou le quotidien des bidonvilles et dispensaires du Tiers-Monde.

Troublé par ce personnage si discret et pourtant indispensable, le documentariste Christian Frei l'a suivi pendant deux ans, interrogeant au passage celles et ceux qui l'ont côtoyé, car le photographe est avare de paroles, préférant laisser parler ses images. Des images fortes et troublantes dont la violence est parfois insoutenable. Des images nécessaires pour que le monde sache.

S'effaçant complètement derrière son travail, James Nachtwey témoigne des dérives de notre temps. Loin d'être blasé par ce qu'il a pu voir en trente ans de carrière, il poursuit ses voyages pour photographier la guerre. Déjà en 1985, il écrivait « La photographie peut-elle avoir une incidence sur un comportement humain qui traverse toute l'histoire ? Une ambition ridiculement prétentieuse (...). Et pourtant, c'est cette ambition qui me motive pour photographier la guerre ».

S'il n'avait été qu'une tête brûlée pétrie d'ambition, il serait mort à l'heure qu'il est, car l'ambition seule n'a jamais suffi à nourrir une vocation. Au-delà des images, James Nachtwey a régulièrement mis sa vie en danger - il fut plusieurs fois touché par balles, contracta des maladies graves - mais continue pourtant de dénoncer les injustices de notre monde, s'interposant s'il le faut

pour éviter la mort d'un homme. Et malgré tout, il reste d'un calme olympien, parlant avec pudeur d'une voix posée, marchant d'un pas lent, même sur les champs de bataille. Une personnalité absolument remarquable dans un monde où il est si facile de briller par son indifférence…

Catherine Thieron

 

Selec

 

 

 


Également commenté par Thierry Moutoy dans le Tous azimuts 41
Nominé pour l'Oscar du meilleur documentaire en mars 2002, War Photographer suit les traces de James Nachtwey, photographe de guerre renommé qui a couvert depuis vingt ans tous les
plus grands conflits et évènements sociaux aux quatre coins du monde.
Du Kosovo à l'Indonésie en passant par le Rwanda et la Palestine, le réalisateur Christian Frei l'a accompagné pendant deux ans sur les chemins de la désolation et nous fait découvrir un homme sensible, engagé et courageux qui exerce un métier pas comme les autres… À l'aide d'une petite caméra montée sur l'appareil photo du photographe, nous suivons celui-ci en ayant la même vision que lui quand il balaie le champ d'action à travers son objectif, sélectionne un cadre, appuie sur l'obturateur. Entre cette vue subjective et la scène filmée à quelques mètres de distance par une seconde caméra, la mise en abîme est totale. Le spectateur ne peut plus prendre ses distances et assiste à la naissance d'une image. L'effet est saisissant et effrayant car ces images sont dures et, heureusement, ne sont pas desservies par des commentaires superflus. Les scènes de prises de vues sur le terrain sont entrecoupées de plans fixes avec ses plus beaux clichés, parfois commentés par James Nachtwey lui-même, et de témoignages des amis et des collègues qui décrivent le caractère de ce personnage hors du commun.
Enfin le réalisateur cherche à percer le mystère des motivations de cet homme qui a vu un nombre incroyable d'horreurs mais semble garder une foi inébranlable en son travail. Avec modestie, James Nachtwey nous parle de lui, de son travail et de sa philosophie de la photographie. On comprend l'importance qu'il accorde à son métier, à son rôle de messager auquel il s'est assigné : « Mes photos doivent réveiller les gens, susciter une prise de conscience face à ce qui se passe dans le monde ».
Un documentaire captivant et complet qui va bien au-delà du portrait d'un homme « photo-sensible ».
( Catherine Mathy, Dép. Fiction Documentaire )


Nous vivons dans un monde de bruits, de fureurs et d'images. Il ne se passe pas une semaine sans qu'une photo d'un conflit de par le monde ne vienne s'inviter dans la presse. Pour nous relater ces guerres lointaines, des photographes risquent leur vie. Mais quelles sont leurs intentions réelles ? Pourquoi faire ce métier, on pourrait même parler de sacerdoce ? Pour se sentir exister à travers le danger ? Pour nous rendre plus proche le lointain, nous toucher, nous émouvoir, nous informer ? Ce brillant documentaire (nominé à l'Oscar du meilleur documentaire en 2002) va nous éclairer en se penchant sur le « cas » de James Nachtwey, brillant photographe qui, en vingt ans, a couvert quasi toutes les zones de combats (Irlande, Afghanistan, Bosnie, etc.). À travers des interviews de proches collaborateurs, on découvre un homme plus humaniste qu'opportuniste et petit à petit, on comprend mieux sa démarche : capturer des moments de souffrance pour nous confirmer que l'impossible est journalier, l'atrocité quotidienne, et pas seulement en temps de guerre mais aussi dans la précarité de certains pays. Chaque photo est un acte fort, un compte rendu sincère, sans voyeurisme malsain.
Fait troublant, si nous voyons à travers son objectif, grâce à une mini-caméra fixée sur son appareil photo, nous pouvons également le suivre en train de prendre ses clichés. On mesure alors tous les risques qu'il encourt. Un document qui nous bouleverse et change notre façon de voir les choses.
Si le prix Nobel de photographie devait exister, James Nachtwey le remporterait à coup sûr.

( Thierry Moutoy, Uccle )

 

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