A YEAR FROM EASTER
Le jazz ou l'art de l'enfance ?
Jamais cette question ne m'a paru aussi pertinente qu'à l'écoute
de cet enregistrement produit par ECM.
Oui, le jazz, c'est : je prends la parole et parfois je trébuche.
C'est : je m'amuse.
C'est : je crois en un monde meilleur.
C'est : j'ai peur.
C'est : je découvre et me nourris de ce qui m'entoure.
Ici, on s'attarde sur quelques notes, on fait du bruit. Pas trop cependant,
pour que ne chavire pas le bateau. On dit ses craintes, on parle de terres à
conquérir : pour le reste, c'est la surprise, l'expérience
de chacun, là où il est.
Cet enregistrement s'écoute comme une histoire. Ainsi, avec une épine
dorsale stable, une ambiance typique bien installée dès les premières
secondes, Christian Wallumröd nous emmène dans un pays imaginaire,
tantôt épaulé par ses acolytes, tantôt hanté,
tantôt seul. On chahute au loin sur la première plage, on se présente
aussi. Sur la deuxième, nous voilà déjà sur les
mers et dans le froid (le disque a été enregistré à
Oslo). Sur la troisième, nous sommes dépositaires d'un secret
chuchoté, avec retenue toujours.
Voyage ascendant ? Vers le centre du récit, le bateau prend son
envol : musique plus épurée, piano presque classique. Paysages
abstraits ? Paysages mentaux ? Les cymbales appellent les baleines.
Comme le voyage n'est rien sans le retour, bientôt la trompette scande
l'amerrissage : un des thèmes d'introduction vient clore le disque
et suscite par là même le souvenir.
L'enfance appelle le voyage ?
Le souvenir appelle l'enfance ?
Le voyage appelle l'enfance ? À vous de choisir.
(Maxime Coton)