MOON
Dark Side of the Moon
Premier long métrage de Duncan Jones célébré par la critique, Moon fait partie de ces films de science-fiction d'un genre nouveau qui misent davantage sur la psychologie des personnages que sur la surenchère d'effets spéciaux et où la technologie passe finalement loin derrière l’individu. Entièrement porté par la performance du talentueux Sam Rockwell dans le rôle d'un employé de base lunaire isolé depuis trois ans du monde extérieur, il serait néanmoins injuste d'en négliger la musique qui ajoute au sentiment d'oppression, car, tout comme dans le remarquable remake de Solaris par Steven Soderbergh en 2002, la bande originale de Moon joue un rôle primordial: les thèmes répétitifs font la part belle aux ambiances électro-acoustiques sombres où Clint Mansell puise une fois de plus dans différentes influences allant du rock (Welcome to Lunar Industries) au piano classique (Memories) via des passages électroniques (I'm Sam Bell, too...). D’ailleurs, sur sa page MySpace, le compositeur présente sa musique comme un mélange de post-punk, de minimalisme et de classique.
À l’instar de la bande originale de Solaris composée par Cliff Martinez, celle de Moon possède une vie autonome tout en ayant l'élégance de ne jamais vampiriser le propos: la solitude y est mise en musique telle une chape de plomb sans pour autant être écrasante, et malgré un côté éminemment claustrophobe, les thèmes élaborés par Clint Mansell possèdent la complexité d’un kaléidoscope, évoluant tout en finesse de l’ombre à la lumière et vice versa.
Lui-même venu du rock (il était leader du groupe Pop Will Eat Itself dans les années 90), le Britannique a toujours su tirer parti de sa singularité pour composer des musiques de film atypiques.
Une association particulièrement féconde est celle qui le lie au cinéaste Darren Aronofsky auquel il est fidèle depuis son premier long métrage, l’étonnant Pi en 1998. C’est Requiem for a Dream qui met le tandem en orbite deux ans plus tard: cette collaboration avec le Kronos Quartet fera de Clint Mansell un compositeur incontournable, lui permettant de mettre son talent au service de nombreux films, parmi lesquels on retrouve des titres aussi variés que The Hole (Nick Hamm, 2001), Murder by Numbers (Barbet Schroeder, 2002), Man on Fire (Tony Scott, 2004) ou encore le générique pour le pilote de la série Les Experts: Miami avant que le compositeur ne retrouve son alter ego Darren Aronofsky pour The Fountain en 2006 et The Wrestler en 2008.
Pour Moon, il compose une bande originale intimiste et intrigante dans la lignée de Requiem for a Dream, apposant sa patte avec fermeté et néanmoins discrétion, tout comme le jeune réalisateur Duncan Jones qui, avec Moon, s’émancipe de son illustre géniteur pour imposer son talent, empochant au passage un British Academy of Film and Television Arts Awards (BAFTA), deux British Independent Film Awards, ainsi que toute une flopée de distinctions en festivals, dont le Prix du Jury et celui de la Critique à Gérardmer.
Un début de carrière prometteur pour un cinéaste à suivre…
Catherine Thieron