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Pointculture_cms | critique

GARBAGE PAIL BEATS

publié le

On ne le répétera jamais assez : il faut se méfier des crétins ! Et surtout de ceux qui s’en défendent !

 

 


On ne le répétera jamais assez : il faut se méfier des crétins ! Et surtout de ceux qui s’en défendent !

cupp caveTapez Cupp Cave sur le moteur de recherche de votre PC et vous obtiendrez à coup sûr un descriptif du genre : « Inspiré par les vieux jeux vidéos des années 80, Cupp Cave manipule les ordinateurs et les vieilles machines comme d'autres ont usé le joystick ». Là où l’affaire se corse, c’est qu’on n’en croit rien. Dès l’objet en mains, une superbe pochette en carton dépliable magnifiquement ouvragée, on échafaude une toute autre hypothèse : et si l’auteur de ce méfait n’ajoutait pas une très belge touche d’absurdité auto-dépréciative pour mieux tromper son monde ? Du peu d’infos à peu près fiables, il ressort que Cupp Cave est le dernier jouet en date de François Boulanger, que l’intéressé est né à l’aube des années 80 et que notre homme, tel une chenille de jeux vidéo qui dispose d’autant de vies que le joueur de parties entamées, multiplie les avatars à l’envi : relevons l’accompli (?) Kingfisherg (2 plaques à La Médiathèque), ou encore le mystérieux Qwertypak.
Malgré un titre d’album peu avenant (Garbage Pail Beats qui pourrait se traduire par beats de sceau à déchets), ce premier long format de plus d’une heure gorgé jusqu’au trognon (presque 67 minutes pour 32 titres) mérite le détour. Ne serait-ce que par sa nature intimement bâtarde : hip-hop dans l’âme, les articulations et dans ce qui lui sert de colonne vertébrale mais avec une chair partout renforcée de greffons électroniques. Et en dehors des jingles - jamais surnuméraires - pas l’ombre d’une parole prononcée ou déclamée n’oriente l’oreille de l’auditeur qui, en termes de labels de référence, passe des machines intelligentes de Warp (connexion Cupp Cave/Flying Lotus à creuser) aux rythmiques cérébrales mais ludiques (et muettes) d’Anticon (une couche de DJ Mayonnaise pour relever le tout ?) sur un mode étrangement léger et humoristique, voire taquin. Fan d’abstract hip-hop, tu fais fausse route !
D’autant que contrairement à ce qui est dit plus haut, le seul clin d’œil identifiable à l’univers du jeu vidéo ne tombe qu’en 22e position (« Cheesy Crust ») : ça cause pizza et s’adresse à un Mario quelque chose… Quant à cette discipline, amusante au début, mais fatigante à la longue, qui consiste à noyer dans un maelström faussement jouissif 10 000 emprunts à la vie des consoles, très peu pour lui. Le Boulanger, on l’imagine davantage en mécanicien curieux et pirate sur les bords, à farfouiller les potentialités inexploitées de son matériel composite et de peu de frais jusqu’à aboutir à ses fins (syndrome Add N to (x)), réaliser la bande-son qui fixe et dépasse tout ce qui a façonné le bonhomme. Sans omettre le décor de fond des pubs TV, des séquences feuilletonesques, des échos de la rue, mais avec la volonté d’y voir plus clair aussi.
De là ce son electro Lo-Fi un peu léger qu’on est plus enclin à attribuer à un manque de moyens de l’auteur de ce disque qu’à une inclinaison assumée pour le 8-bits, cette fausse bonne idée de musique home made trafiquée sur d’antiques consoles Atari, mais qui a rapidement tourné à la hype de goût douteux (Crystal Castles). La patte Cupp Cave tient davantage d’une méthode qui couple découpage au cordeau - chaque titre s’articule autour d’un beat ramassé, précis et non cloné - et dérivation systématique des motifs sonores ajoutés, aussi bien vers l’abstraction que vers la piste à savon du ludique référencé. Même les intitulés des morceaux n’ont pas échappé à ces amusantes distorsions de normalité ; « Mach Rider » et « Kung-fu Grip » ou « Juniper », c’est du Autechre pour les morveux qui n’ont aucune patience ; « Blast Offf » (oui 3 f !), l’interlude perdu du dernier Clouddead ; « Fag Pat », un inédit de Boom Bip ; « Talk Over », une saillie chouravée à Anti-Pop Consortium ; « Quarth », une envie de Broadcast réveillé et « Past Miles », un hommage qui ne doit pas dire son nom…
S’il n’arrive pas toujours à trier ses déchets (quelques plages superflues quand même), Cupp Cave introduit une nouvelle catégorisation sociologique encore à définir : le branleur suractif…

 

Yannick Hustache

 

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