STELLAR BURNOUT
Il faut un temps de réflexion après l’écoute de ce disque pour admettre que l’on vient d’entendre un album de chansons. Et plus encore, de chansons folk, comme le prétend son auteur Dan Fröberg. Certes, l’emballage de ces chansons n’est pas commun. L’instrumentation inhabituelle et les vocaux interprétés en chinois par l’invraisemblable chanteuse Zhang Qiongfei, tout nous porte à caser la musique de Fröberg dans la catégorie sound-art, musique expérimentale, ou une quelconque autre étiquette floue. La volonté de Dan Fröberg de revendiquer une appellation folk est autant un pied de nez à ces classifications, qu’un désir de simplicité. Ses pièces, pourtant complexes, évoluent organiquement, glissant imperceptiblement d’une prise de son captée en Chine à des détails agrandis enregistrés chez lui à Göteborg, pour passer ensuite à de furtives touches instrumentales pour devenir un texte, ou une chanson, peut-être. Cette apparente confusion, ce semblant de désordre, cette profusion de stimuli sonores qui se disputent notre attention, ne se résolvent qu’avec du recul. L’album et ses chansons sont des allers et retours permanents entre microcosme et macrocosme, entre vision d’ensemble et détails à l’avant-plan. Un instant la voix est enfouie dans l’environnement sonore, l’instant d’après elle s’en détache, s’en sépare. Il est souvent impossible de déterminer si la mélodie instrumentale fait partie du même espace sonore que le field recording qui l’entoure. Les perspectives sont en constante animation. L’immersion de l’auditeur, elle, est totale. Pour encore prolonger le propos, le livret, toujours signé Fröberg, est une collision de visions célestes, de considérations spatiales, de galaxies, de trous noirs et de planètes, de configurations astrales et de cosmologies psychédéliques. Pas vraiment contexte théorique, ni emballage conceptuel, mais plutôt décor étoilé devant lequel se déroule l’étrange musique de Dan Fröberg.
Benoit Deuxant