DEAD AIR
Le disque de Mordant Music entame l’histoire à ce point précis, lorsque le commentateur reprend l’antenne comme pour expliquer l’incident et annoncer la catastrophe qui l’a causé, ou au contraire pour assurer à l’auditeur que « Rien ne s’est passé, tout est rentré dans l’ordre ». Sur un fond musical électronique qui couvre tous les styles du genre de ces cinquante dernières années, des essais sonores du BBC Radiophonic Workshop « au temps de Délia Derbyshire » à une forme hybride de techno expérimentale que ne renieraient ni Richie Hawtin ni Prefuse73, on assiste à ce qui par endroits est annoncé comme la « toute dernière émission » (de la station ? du monde ? toutes les suppositions sont permises). Quelque chose vient de se passer, on sent l’urgence de la situation, mais, comme nous sommes en Angleterre, nous allons conserver notre calme et réagir avec notre flegme légendaire. Baron Mordant et Admiral Greyscale, les deux bricoleurs fous derrière Mordant Music, ont engagé pour ce collage géant l’ex-« spikeur » de Thames TV Philip Elsmore, vedette de la télévision britannique des années soixante à nonante, dont le ton et l’accent inimitables font beaucoup pour ajouter une étrange dimension de pathos à cette narration. Ce simulacre d’émission de radio concentre tous les styles de radio de la même manière qu’il concentre tous les genres et sous-genres de musique électronique, passant du communiqué d’urgence au micro-trottoir pour se poursuivre par une interview-confession. Un superbe exercice de style, qui peut aussi s’écouter hors-concept.
Benoit Deuxant