BE MINE TONIGHT
Chansons dont la sensibilité, la fragilité et la force poétique
semblent accentuées par des nuits sans sommeil. Un dépouillement
musical qui augmente l'expressivité et la « liberté »
de comportement de chaque intervenant. Dean Roberts est d'abord un guitariste
explorateur. Il a ici un touché des cordes (acoustiques et électriques)
lui permettant en deux notes et quelques sons de formuler des images fortes.
La plage Disappearance on the grandest of streets est exemplaire de
ce double aspect atmosphère / chanson qu'il construit sur une dizaine
de minutes : solitude de la guitare et quelques sons additionnels d'un
violoncelle écorché en retrait, trois minutes plus tard la batterie
toute simple vient rouler discrètement, confirmant qu'une action se déroule
(l'histoire d'un homme poursuivi), vers la sixième minute, la voix elliptique
de Dean Roberts, la tranche de vie exposée en six vers et une minute,
soutenue par une basse épaisse comme un cœur haletant et puis le dénouement
tragique qui est aussi un soulagement, la dernière envolée fébrile
de tous les instruments.
On peut penser à la manière qu'a Mark Hollis (Talk Talk...) de composer
ses ballades atmosphériques et sombres, mais ce Dean Roberts à
la voix fragile, presque défaillante a derrière lui une solide
discographie avec ou sans mots, qui n'a pas pris une ride et dont la musique
plus axée sur l'expérimentation est un savoureux mélange
d'intimité multi-instrumentale avec une prédilection pour les
aspects les plus étranges de la guitare. Retrouvez-le à son nom
et dans les formations suivantes : White Winged Moth, The Tower Recordings,
Thela et, classé en jazz, en duo avec un autre contrebassiste, guitariste
polymorphe, Werner Dafeldecker.
(Pierre-Charles Offergeld, Liège)