Cet homme est aussi fascinant que sa barbe de sage turc. Il a de l’or partout, ou plutôt des épices… dans les doigts, le doigté (Ah ! Son jeu pické de guitare folk friande de modes voyageurs, sa contrebasse déroutante et susurrante), dans les oreilles (Ah ! Son éclectisme éclatant en matière de composition et d’explorations musiciennes), dans la voix (Ah ! Ce chant qui suspend précieusement les mots aux fils de mélodies à la fois complexes et reconnaissables), dans la plume (Ah ! Ces chapelets de mots faussement désuets et franchement libérés, ce plaisir de créer des associations pour le moins inattendues).

Et puis, il y a cette faune, ces habitants du même Saule (ou de voisins proches) qu’il a conviés pour qu’ils vivent avec lui sa grande DÉVOTION POUR LA PETITE CHAMEAU. La compagne Léonore bien sûr qui partage aussi ses secrets de créateur et qui prête sa voix ici sur plusieurs de ces chants affranchis en français (ne parlons plus de chanson française !). Le fidèle Laurent Sériès dont les percussions nous ouvrent des horizons de fleurs de peau. Borja Flames pour une sorte de slam sans queue ni tête à l’accent hispanique. Le Crab familial, dans L’impersuasif, qui chorale avec les autres au son d’un piano de couloir et d’un saxophone désaxé joués par Olivier Bogé. Et enfin, l’épinette de Clémence Monnier (qui nous avait déjà fait la conversation sur le très beau REMERLE d’Aurélien Merle en 2015) et les voix dégloussinantes de quelques semblables aux noms bien nordiques.

On pense parfois à Albert Marcœur pour le côté « drôle de chanson un peu jazz et beaucoup décalée qui se nourrit de rythmes (dé-)composés », à Brigitte Fontaine et Areski pour l’absurde, les vers libres, et les voix mélangées. On pense surtout à de nouveaux sillons déjà quelque peu creusés dans le SQUARE OUH LA LA (2013) de Léonore Boulanger qui, souvenez-vous, avait déjà été musiqué par Jean-Daniel.

Un homme fascinant, de l’or, des épices, je vous dis. Bon appétit aux oreilles avides de pleines aventures.

Guillaume Duthoit