EAU ARGENTÉE
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Après quelques images j’ai eu peur de continuer à regarder ce documentaire.
En Syrie les gens filment la guerre et le montage proposé ici est un montage d’images réelles, les gens torturés, bombardés ou en train de mourir le sont réellement. J’ai eu peur et j’ai essayé de justifier ça. Je me suis demandé s’il ne valait pas mieux fermer les yeux et rester un peu à l’écart, continuer à essayer de comprendre ce qui se passe là-bas mais sans images, uniquement en lisant des textes. Mais non me suis-je dis, parce qu’il m’a semblé que fermer les yeux sur ce film c’était peut-être le faire d’une manière plus générale, c’est-à-dire détourner le regard, se laver les mains si on veut.
Je me suis posé la même question à propos des mots, du type de narration utilisée et de la poésie, si présente ici et si merveilleuse ; je me suis demandé si ce n’était pas déplacé d’être aussi ému par le pouvoir qu’ont les mots quand ils sont posés ainsi sur la monstruosité, j’ai eu des doutes tant tout ce qui est montré là est insupportable. Pourtant encore une fois, non, et je me suis souvenu d’une formule de Sergio Gonzalez Rodriguez à propos d’autres horreurs qui se passent au Mexique cette fois : « la valeur transcendantale essentielle de la parole, qui survit à tout acte de barbarie ». Oui, je crois qu’il faut parler, il faut parler à tout prix, si on le peut, il faut écouter et regarder à tout prix également, quels que soient nos états d’âme, quelle que soit, par exemple, la fascination qu’on peut éprouver pour les images de la guerre ou quels que soient nos doutes sur toute forme d’expression quand elle concerne l’innommable. Il ne faut surtout pas se laisser hypnotiser par la culpabilité ou le silence.
Bon, ce n’est pas facile à dire mais ce film est admirable, il témoigne de notre nature, déséquilibrée entre ses abîmes mais il le fait en trouvant une forme sur laquelle s’appuyer. (DS)