JEWELS (THE)
Rien ne se perd...
Le nouvel album de Einstürzende Neubauten, groupe mythique de Berlin, n’en est pas vraiment un: sorti très discrètement et sans battage médiatique en avril dernier, Jewels regroupe quinze « miniatures » parues sur le site internet du groupe. Chaque mois, la bande à Blixa met un nouveau titre en ligne, téléchargeable pour peu que l’on ait le statut de « supporter » officiel.
Les autres peuvent désormais se rattraper avec cet album qui risque de décevoir les fans de la première heure mais fera peut-être découvrir le groupe à quelques sceptiques.
Ici, on est loin des marteaux-piqueurs d’antan– les instrumentations sont plutôt calmes et discrètes, les textes restant, comme d’habitude, d’excellente facture.
Le travail de composition, quant à lui, est parti d’un jeu: après avoir passé en revue plus de 25 ans de création musicale, Blixa Bargeld a mis au point un système de 600 cartes comprenant chacune un mot-clé. Appelé DAVE, cet ensemble de cartes regroupe des thèmes et mots récurrents, chers aux Berlinois, tels que « caisse de résonance », « cri » ou « vibromasseur » (!). Pour chaque titre, chacun des musiciens a pioché trois cartes et composé en fonction des mot tirés au sort.
Expliquant le principe de ce petit jeu sur le documentaire Acht Lösungen, qui accompagne le CD, Blixa et ses complices vont probablement donner des idées aux aspirants musiciens et autres musiciens sans inspiration.
Si cette dernière n’était certainement pas toujours au rendez-vous sur ce Jewels, il s’agit là d’un album plutôt accessible des Einstürzende Neubauten, à l’image de leurs productions de ces dernières années.
Pas de quoi réjouir les fans d’indus pur et dur, mais peut-être une bonne porte d’entrée pour celles et ceux qui connaissent mal ou peu le genre et souhaitent y entrer à tous petits pas…
Catherine Thieron
Compilation des morceaux exclusifs offerts au téléchargement à leurs « supporters », Jewels n’est donc pas vraiment un nouvel album. Quoique… Depuis quelques années, le groupe s’est lancé dans une entreprise destinée à lui permettre de continuer à produire de la musique sans le soutien d’une maison de disque, en proposant à leurs fans de les aider financièrement en échange de « faveurs » : places de concert, concerts exclusifs, participation au tournage de leurs vidéos, à l’enregistrement de leurs disques, et, comme dans le cas des morceaux de ce disque, download exclusifs d’un morceau inédit par mois. Ce dernier stade constitue la phase 3 du « neubauten.org supporter project ». Ce système de « démocratie directe » liant le groupe à ses fans, sans passer par les intermédiaires habituels, labels, médias, promoteurs, etc… a débuté en 2002 (par la phase 1, bien sûr) avec la publication de leur premier disque « par souscription », immédiatement suivi du projet « Grundstück » réalisé entre 2003 et 2005 qui débouchera entre autres sur leur vidéo « Palast der Republik ». La réalisation d‘un morceau par mois explique sans doute le coté décousu de l’album, et ses allées et venues stylistiques. C’est cette apparente incohérence qui frappe à la première écoute; Une grande inégalité aussi. Mais aux côtés de morceaux plus faibles se trouvent toutefois bien les perles et les joyaux promis par le titre de l’album (et la présentation de Blixa Bargeld sur le site du groupe.) Des morceaux comme « Ansonsten Dostoyevsky » ou « Die Ebenen Werden Nicht Vermischt » condensent tout ce qui a permis les réincarnations successives d’Einstürzende Neubauten, mélanges de bruitisme, de primitivisme, de fuite en avant radicale et d’incursions mélodiques, accompagnées de textes apocalyptiques, qui révèlent à chaque réécoute des couches supplémentaires chaque fois plus profondes.
Albums à écouter en priorité :
Zeichnungen des patienten OT XE263C **
Kollaps XE263E ***
1/2 Mensch XE263G *****
Haus der luge XE263I ***
Tabula Rasa XE263N ****
Benoît Deuxant