DRAIN
Alto, violon, violoncelle
Détournement majeur de cordes. Frottements, feulements et grincements anémiés, sédiments entropiques. Quelque chose gratte de l’intérieur, pour sortir, échapper à la paralysie. De plus en plus. Picotements anarchiques, névrotiques, acharnés, autistes. Chaque plage, aux irruptions sonores disparates, est néanmoins soudée, d’un bloc, comme les bruits que feraient les branches liées, l’une contre l’autre par le vent, fagot attaché à une toile de Kiefer. Disparates mais solidaires, liés dans une même condition. Une dynamique se met en marche, une drôle de machine. Le courant recommence à passer, à irriguer les cordes et les archets, avec peine. Cette dynamique presque matérielle, tellement les sons sont appuyés et physiques, est prenante, tient lieu de nouvelle organisation sonore, remplace, par exemple, la mélodie. Plutôt, on se trouve dans une musique qui n’en a plus besoin. La musicalité passe autrement, par les bords, par les fissures du non-musical. Je trouve à l’intérieur de cette esthétique qui exploite le rebut et le rebutant, le rebrousse-poil auditif, qui exige de s’accrocher, une puissance et une beauté actuelles. Ça parle et c’est si rare. Et dans la manière de faire de ce trio il y a une fraîcheur pas courante, comme s’il défrichait de nouveaux territoires. Ce n’est pas tout à fait exact, la nouveauté n’est pas absolue, mais le ton est personnel, neuf, et il y a la fougue et la conviction qui donnent l’impression du neuf.