TURN
Vingt-cinq ans après le punk, le quintette hollandais The Ex reste aligné
sur ses racines contestataires. Le punk n'est toujours pas une étiquette
mondaine. La mélodie-refrain râpe, évoque la scansion des
slogans dans les manifs. C'est à peine une musique de scène, plutôt
une musique de déplacements, une musique pour marcher. Parole et chant
militants recherchent l'immédiateté en déjouant le plus
possible les clichés de l'engagement. Le beat reste prolo sans complexe.
Les guitares virevoltent, s'aiguisent, piquent et plantent leurs riffs dans
l'hydre libérale internationale. Ça saigne, ça grogne,
ça jubile. Dès que ça devient trop facilement entraînant,
quand la brutalité masculine s'emballe et s'exalte, les musiciens de
The Ex balancent casse-pattes, casse-vitesse, reviennent à quelque chose
de sec, tranchant et y gagnent une dureté qu'ils devraient sonder, explorer.
Pour engager leur rock social sur une voie où Jelinek a engagé
les mots : « Je continue à dire des choses, mais j'ai
compris que ceux qui m'écoutent m'écouteront par hasard. Et cela
non plus n'a pas d'importance. Car il ne s'agit pas de savoir pour qui et pourquoi
on écrit. Au contraire. Ce que l'on dit ne doit pas avoir d'effet, il
faut volontairement renoncer - totalement renoncer - à l'efficacité,
à tout pouvoir d'influence. Personne ne doit s'agenouiller devant personne,
encore moins devant moi ». D'où le bien que procurent les
embardées et leurs gerbes d'étincelles froides chez The Ex. Comment
font-ils pour garder cette énergie non-gratuite ? Cette combativité
montée sur ressorts ? La lucidité, l'ouverture, les aventures
parallèles non-rock. Appréciez les interventions de la contrebasse
qui sapent les assises binaires. Il faut s'arrêter sur le dialogue entre
la même contrebasse et la guitare électrique. Ça ouvre des
horizons, ça excite chez nos neurones l'envie de connexions inédites.
Le goût de la transversalité n'est pas cosmétique. En prime,
dansez avec ce vieux chant éthiopien ( Huriyet ), goûtez
la rencontre du rock et de la poésie expérimentale (Anne-James
Chaton). Un enregistrement qui renforce une discographie rock majeure sans major.
( Pierre Hemptinne, Charleroi )