VINYAN
Se laisser emporter par les images, s’abandonner aux sons, s’envelopper dans les ambiances, laisser la pluie et la sueur se coller à la peau…
Un film beaucoup critiqué par des journalistes qui n’ont peut-être pas tout compris. D’abord, c’est une coproduction belgo-française, d’un réalisateur belge, avec des producteurs belges et une équipe belgo-française ! Et non un film français ! D’ailleurs si les critiques avaient compris ça, ils n’auraient peut-être pas autant détruit le film… comme le disait Fabrice Du Welz lui-même dans une interview pour Arte, les Français auraient fait un film avec la première demi-heure de l’histoire: le couple Bellmer va-t-il ou non partir à la recherche de leur fils. Et puis, le cinéma fantastique, ce n’est pas très français, c’est mal vu, ce n’est pas assez sérieux.
L’histoire, juste le début: Jeanne et Paul Bellmer ont perdu leur fils lors du tsunami en Thaïlande. Suite à une image très floue sur une vidéo, Jeanne pense reconnaître Joshua et part à sa recherche, avec son mari et avec l’aide de la pègre locale. Cette quête devient une longue descente en enfers, se situant, dans la deuxième partie du film, quelque part entre Apocalypse Now et Tropical Malady. L’enfant aurait été enlevé par les “Sea Gypsies” ou Moken, des nomades de la mer d’Andaman, entre la Thaïlande et la Birmanie. Autant Paul tente de rester dans la réalité, ne croit pas à ces images mais entame le voyage par amour pour sa femme, autant Jeanne y croit dur comme fer et tombe petit à petit dans la folie.
Dans la folie ? Ou devient-elle aussi un vinyan comme ces enfants qu’on voit dans la deuxième partie du film. Le vinyan, c’est une âme errante, quelqu’un qui est mort mais qui n’a pas encore trouvé le repos, quelque chose de typiquement est-asiatique que l’on retrouve aussi dans le documentaire La Terre des âmes errantes de Rithy Panh.
Thème de l’eau… il pleut à verse, souvent, la mer toujours, ou la mangrove, la sueur, l’humidité, les bulles comme cette première image qui évoque la noyade.
Travail sur l’image… du plus fluorescent, cru, des néons de Bangkok, des night-clubs ou sex-clubs à la musique tonitruante et aux lumières artificielles à des atmosphères de mer ou de jungle monochromes, brunes, grises, vertes mais d’un vert passé.
Et puis des sons qui enveloppent, un film qui sans sound design ne serait pas le même, et les musiques composées par François-Eudes, électroniques mais très prenantes, envoûtantes, drones de guitare tournant au white noise. Et puis un clin d’œil à la pop thaïlandaise avec Mike Pirimporn.
Beaucoup de références cinématographiques, certains plans étant des copies d’autres films, le cinéma des années 70, Apocalypse Now de Francis Ford Coppola, Don’t look now de Nicholas Roeg, Cannibal Holocaust de Ruggero Deodato, Les révoltés de l’an 2000 de Narciso Ibanez Serrador.
Une scène assez incroyable au point de vue technique: le plan séquence dans les ruines, tourné en une seule prise et qui a demandé bien des acrobaties au caméraman (…).
Le film a ses défauts, quelques longueurs, mais c’est une production si différente de ce qui se fait habituellement dans nos contrées que je voulais surtout en dire du bien. C’est une question de se laisser prendre, de se laisser immerger dès le début, sinon il est clair qu’on peut passer à 10.000 lieues de ce film.
Anne-Sophie De Sutter
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