MÉMOIRE D'UN SACCAGE
Durant ces vingt-cinq dernières années, de la dictature militaire
à aujourd'hui, l'Argentine a subi l'un des effondrements économique
et social les plus brutaux qu'un pays ait pu connaître en temps de paix.
Ce documentaire dénoue un à un les mécanismes qui ont conduit
une nation à la ruine et des milliers de personnes à la mort.
En dix chapitres, Fernando Solanas démontre avec rigueur comment son
pays, naguère le plus riche d'Amérique du Sud et considéré
comme « le grenier du monde », est devenu victime du jeu
des multinationales sous le regard complice du Fond monétaire international
et des grandes puissances mondiales. Partant du grand soulèvement populaire
du 20 décembre 2001, Solanas pose un regard implacable sur un quart de
siècle d'histoire et explique comment les Argentins vivent encore aujourd'hui
un véritable « génocide social » en subissant
de plein fouet l'ensemble des traumatismes dénoncés par les altermondialistes :
ultralibéralisme éhonté, spoliation des biens de l'État,
explosion de la dette extérieure, corruption politico-financière
massive…
À la fois didactique et dynamique, ce documentaire mêle images
d'archives, interviews et reportages, orchestrés comme un manifeste à
la fois politique et esthétique. Commenté par le cinéaste
lui-même, ce film engagé - qui rappelle ceux réalisés
par Michael Moore, le cynisme en moins - oppose des images métaphoriques
des fastes du président Carlos Menem, des luxueux palais, des prestigieux
immeubles des sociétés bancaires et multinationales à celles
de la population en détresse, rongée par la misère et la
famine, ou en proie à une colère citoyenne.
Sans racolage, misérabilisme ou règlement de comptes déplacé,
précis et informatif, et néanmoins émotionnellement fort,
Fernando Solanas réalise à la fois un essai inventif sur le plan
formel mais également une œuvre percutante dont la vocation est
le devoir de mémoire. Ce film d'auteur est aussi une leçon d'espoir
qui contribue au débat qui se déroule en Argentine et dans le
monde entier au sujet de la globalisation inhumaine, en développant la
thèse qu'un autre monde est possible.
(Catherine Mathy, Dép. Fiction Documentaire)
Note : Le document a reçu l'Ours d'Or d'Honneur au Festival de
Berlin 2004
En compléments DVD, un entretien avec le réalisateur (40') et
un « making of » (15') renforcent le propos du film.